Tourisme au Panama: une journée à Embera Quera

Publié le par michel lecumberry

   Pour rencontrer les amérindiens Emberas, il y a deux possibilités. Soit l’on dispose de quatre jours minimum pour aller les rencontrer dans leurs villages du Darién, cette magnifique région encore très éloignée des sentiers battus*1. Soit le temps est plus limité et nous pouvons visiter les villages implantés plus récemment sur les ríos Chagrés, Gatún ou Pequení, dans la province de Colón.

embera-quera-village   Le village Embera Quera

   Afin d’essayer de s’intégrer au monde moderne, tout en conservant leurs traditions et mode de vie, des Emberas ont décidé de créer des villages traditionnels accessibles plus facilement aux éco-touristes. Des familles, désireuses de sortir de la misère, de l’éloignement et des dangers de la forêt profonde, se regroupent dans ces nouveaux villages.

   J’ai souvent le plaisir d’accompagner des voyageurs dans un de ces villages pour y passer un jour ou deux. La semaine dernière nous sommes allés visiter Embera Quera (Parfum Embera) situé sur le Río Gatún. Petit résumé de cette journée intéressante et colorée, passée en compagnie de Joseph Jos* et de son sympathique groupe venus des Antilles.

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  Après une petite heure de route, le minibus nous dépose sur la rive du fleuve. Binder et Berajano, aident à revêtir les gilets de sauvetages, avant de nous accueillir sur la grande pirogue motorisée. Au cours de cette paisible navigation nous pourrons observer plusieurs espèces d’oiseaux, des hérons, poules d’eau et des aigles "caracolero" (pêcheur d’escargots). Parfois aussi des tortues aquatiques regroupées sur un tronc d’arbre immergé semblent se tenir chaud.

05-01-10-002    Non loin de notre destination, nous ferons une halte sur une petite île déserte, je ne manque jamais d’aller dire bonjour à mon amie Kika pour partager quelques bananes avec elle. Cette jeune singe-araignée (Ateles geoffroyi), exilée du village où elle mettait un peu trop de désordre… vient d’accueillir une nouvelle amie, un peu méfiante encore. Elles sont impatientes de connaître le jeune mâle promis.

emberas-jos-01-28-036    A cinq minutes de là, c’est la réception musicale et haute en couleur des villageois réunis. Passé le petit moment de surprise empreinte de timidité, on échange salutations et sourires de bienvenue. Quelques mots faciles à interpréter, quelques photos souvenirs et nous voila réunis sur les bancs de la case communautaire, à l’ombre de la superbe structure de bois et palmes mariés.

   Atilano, "responsable du tourisme" de ce village va nous souhaiter la bienvenue et diriger la "charla". Cette  petite conférence, suivie d’une session de questions-réponses, est destinée à faire connaître le village, le pourquoi de son existence et l’essentiel des traditions et coutumes emberas. Je traduis et brode parfois pour donner quelques détails complémentaires. Atilano, va même me confier le chapitre important de l’artisanat embera… les amérindiens, en général, sont économes de paroles et mouvements inutiles.

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  Voici venir le moment de la balade sur le sentier écologique. Un des trois herboristes du village va nous guider et nous impressionner par son savoir. Cette grande connaissance, comme pour les shamans kunas, est transmise de génération en génération. Aujourd’hui c’est Emeregildo Amagara, qui n’est autre que le chef du village, qui s’y colle. Nous irons de plantes en arbres, de fleurs en lianes pour découvrir les propriétés médicinales de certaines espèces. L’ambiance est parfois studieuse,  parfois très détendue. Il lui suffira d’évoquer, comme à l’accoutumé, la "plante viagra" pour déclencher les plaisanteries d’usage, lesquelles vont redoubler à l’évocation de la "plante-viagra pour femmes"… Et oui, ici le viagra au féminin existe, mais que font nos pharmacologues ? Les femmes emberas n’hésitent pas à en user puisqu'elles ont aussi la plante-contraceptive à effet durable, efficace six mois durant...

   Trêve de plaisanteries, le sérieux de l’heure du réconfort approche. Un succulent repas diététique nous attend, le poisson sort à peine de l’eau, les beignets de bananes plantains ou la yuca (manioc) qui l’accompagnent sont du jardin. Et la saveur des fruits… Sans parler de la vaisselle, assiette en feuille de bananier garanti naturel et couverts en doigts humains lavés dans un bain de plantes odorantes.

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   Moment de détente, discussions par petits groupes, on sympathise, on plaisante en partages de sourires, ponctuations d’éclats de rire parfois, le temps s’écoule, tranquille. Et puis il y a les photos à prendre, enfants espiègles, femmes tissant leurs magnifiques vanneries, tatouages tribaux ou cases dans le paysage, on emplie la boite à souvenirs.

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       Attention, les musiciens se mettent en place. Les femmes dansent en file indienne (salut à toi La Palice), bientôt rejointes par leurs cavaliers, que de couleurs ! Enfin les visiteurs, tous invités, viennent de bon gré au partage de rythmes et de bonne humeur.

Ambiance !

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   Pour se remettre de ces émotions fortes, une séance de tatouages pour les plus téméraires (pas de panique : temporaires, les dessins traditionnels disparaîtront avant d’avoir à remettre son costume-cravate) et une visite à l’expo d’artisanat. Ici, faire ses emplettes de souvenirs typiques c’est toujours aider financièrement ces familles, permettre aux enfants d’aller à l’école ou envoyer un peu d’argent aux parents âgés restés au village d’origine.

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   A moins d’avoir choisi de passer la nuit et le jour suivant dans le village, ce qui permet de mieux connaître nos amis emberas dans leur vie quotidienne, d’aller à la pêche ou encore d’observer les crocodiles au début de la nuit, il va falloir s’arracher à cette ambiance si prenante. Nos hôtes viennent nous saluer en musique. Un petit remerciement du chef avec ses souhaits de bon retour dans nos maisons lointaines, et cette fois-ci, une émouvante petite allocution de Joseph Jos précédent l’embarquement sur la pirogue.

  Cette belle et sympathique parenthèse dans nos vies souvent trépidantes et toujours éloignées de la Mère Nature des amérindiens, s’achève bien trop vite. Il est sûr qu’elle restera gravée dans les mémoires.

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                         Joseph avec Emeregildo et ses filles

*   Joseph Jos, écrivain, professeur de lettres classiques, proviseur honoraire, a été conseiller Culturel de l'Ambassade de France à Panamá.

   Joseph organise des voyages touristiques pour des petits groupes d'Antillais dans ce pays qu'il aime tant. Ceci me vaut le grand plaisir de partager régulièrement avec  lui des moments très amicaux et toujours enrichissants. J'espère avoir un jour l'honneur de publier ici un de ses articles sur la présence des Antillais au Panamá. Son livre "Guadeloupéens et Martiniquais au Canal de Panamá-Histoire d'une immigration" (L'Harmattan-2004) est un ouvrage essentiel et un magnifique témoignage de cette épopée.

 

 

 

 

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