De l'arrivée de Colomb à la fondation de Portobelo
Remettre les caravelles en état et se refaire une santé, le séjour de Christophe Colomb dure une semaine. Les découvreurs ont de bonnes relations avec les Cueva. Ceux-ci pratiquent le troc, habitués à recevoir la visite des indigènes du Honduras et même du Mexique qui viennent pour faire des échanges.
La flottille repart de Portobelo pour des explorations, elle y reviendra par deux fois, avant de quitter définitivement la zone en avril 1503. Les cent trente rescapés, entassés sur “La Capitana” et la “Bermuda” vont hisser les voiles pour essayer de rentrer en Espagne. La “Vizcayna” en trop mauvais état pour entreprendre le voyage sera abandonnée près d’ici*1, la “Gallega” avait subit le même sort devant le campement établi à Santa Maria du Río Belen*2.
Avec les deux caravelles rescapées, il rejoindra Cuba puis la Jamaïque. Il sera obligé de les abandonner là, en trop mauvais état pour reprendre la navigation de retour vers l'Espagne. Des mois plus tard, un de ses fidèles compagnons, Diego Mendez, vient le secourir. De retour à Santo Domingo, il aura beaucoup de mal, avec son frère Bartolomeo, à trouver un bateau pour les ramener en Espagne. Après un voyage long et difficile, ils arriveront à Sanlucar le 7 novembre 1504. Au total son quatrième et dernier voyage aura duré deux ans et sept mois.
Le grand découvreur meurt dans l’indifférence à Valladolid, en 1506.
En 1509, Diego de Nicuesa quitte Hispañola avec huit cents hommes et, après bien des problèmes, arrive à ”Belporto" guidé par un ancien compagnon de Colomb. Les Cueva ont changé d’attitude, c’est le moins que l’on puisse dire: la vingtaine d’hommes descendus à terre pour récupérer de l’eau sont massacrés. Nicuesa quitte aussitôt la baie et va se réfugier à quelques dizaines de milles dans le premier abri venu qu’il nommera “Nombre de Dios”.
Un an plus tard, en 1510, Diego de Albites revient pour fonder un campement à Nombre de Dios et construire le “Camino Real”. Cette voie empierrée traverse la jungle de la cordillère. Durant deux siècles, elle permettra le passage des trains de mules transportant depuis Panamá l’argent extrait des mines du Potosí . Les lingots d’argent seront embarqués avec les autres richesses à destination de l’Espagne.
Après l’invasion de la mer des Caraïbes par les Anglais Drake*4 et Hawkins en 1585/86, Philipe II, le roi d’Espagne, envoi Juan de Tejada, accompagné d’un ingénieur militaire italien, Juan Bautista Antonelli pour améliorer les défenses de ce qui s’appelait alors “les Indes”. Ce dernier trouve que le campement de Nombre de Dios est trop à découvert et conseille de le transférer dans la baie profonde de Portobelo. Il recommande d’y établir les premières défenses: deux petits forts, l’un de cinq ou six canons à l’entrée de la baie et l’autre de huit canons près du village. Les travaux traînent en longueur.
Drake attaque et rase Nombre de Dios en 1595, au cours de la bataille, son oncle et compagnon de toujours Hawkins est tué. Baskerville, le Commandant en chef des militaires, échoue dans son attaque terrestre de Panamá. La flotte se dirige alors vers Portobelo. Sir Francis Drake, atteint de fièvre, meurt à bord de son navire peu avant d'atteindre la destination, son corps est mis à la mer avec les honneurs dus à sa gloire*5. Un rocher à l'entrée de la baie porte maintenant son nom. Baskerville, attaque et détruit les forts en construction et le village. Il quitte le mouillage le 8 février.
Le 20 mars 1597, Don Francisco Valverde y Mercado, Général de Tierra Firme (qui deviendra le Panamá) fonde officiellement "San Felipe de Portobelo"*6. Le blason placé soixante ans plus tôt à Nombre de Dios et sur lequel figure: un navire, un château et une inscription: "Tierra Firme, Beñas de Oro" sera transporté ici. La vie tumultueuse et agitée de Portobelo peut commencer.
Notes:
*1 - Christophe Colomb mentionne dans son testament l’avoir abandonnée à Belporto, en fait on a récemment découvert l’épave à Nombre de Dios. (cachoterie ou perte de mémoire…)
*2 - Le navire, resté bloqué par la barre de sable à l’embouchure du río Belén, fût démantelé pour construire ce qui sera le premier campement continental espagnol. Je raconterai prochainement une expédition vers ce lieu historique, organisée il y a peu avec deux amis archéologues.
*3 – Une petite anecdote concernant cet épisode : Les indigènes locaux, lassés par les séjours de Colomb, au cours desquels on fournissait gratuitement l’équipage en denrées de toutes sortes (alimentaires et féminines entre autres…) lui demandent de passer sa route. L’Amiral annonce que pour montrer sa puissance il va faire disparaître la lune. L’éclipse, prévue par ce fin connaisseur des mouvements planétaires, se produit. Les indigènes apeurés se prosternent aussitôt devant le pouvoir de ce dieu vivant, lequel leur fera l’honneur de bien vouloir rester leur hôte quelques temps encore. Hergé reprendra cette anecdote dans Tintin et le Temple du soleil…
*4 – Francis Drake (1540-1596). Explorateur, navigateur et corsaire anglais. Rendu célèbre par ses raids intrépides. En 1577 il passe le détroit de Magellan, découvre la côte jusqu’à Vancouver et attaque au passage la flotte espagnole du Pacifique qui transporte les richesses du Pérou vers Panamá. Il ramène sa fabuleuse prise en finissant le tour du monde (le deuxième dans l’histoire après Juan Sebastian Elcano). A son arrivée, la Reine Elisabeth monte sur son bateau la "Golden Hind" pour l’ennoblir. En 1587, il pénètre en baie de Cadix où se prépare la fameuse “Invincible Armada” coule plusieurs navires, s’empare de la ville et pille le trésor de Indes. Il jouera aussi un rôle important dans la victoire de la flotte anglaise sur l’Invincible Armada à Gravelines.
*5 - Périodiquement des expéditions de plongeurs viennent pour tenter de repérer son cercueil de plomb.
*6 - Il est nommé à cette occasion gouverneur et Marquis de Valparaiso.