Le Guayacan (tabebuia guayacan), un arbre mythique du Panama (mise à jour)
Christophe Colomb écrivait un jour à sa Reine qu’il avait vu en quelques mois dans la seule région de Veraguas plus d’or qu’il en avait vu durant toutes ses précédentes années d’exploration autour de la Caraïbe. C’est bien vrai qu’au Panama il y a de l’or un peu partout. Du vrai, sous terre et dans les rivières, nous parlerons un jour des mines et des orpailleurs, mais aussi chez les batraciens et même dans les arbres...
L’arbre appelé guayacan*1, vers la fin de la saison sèche, généralement en en mars/avril, fait jaillir sur fond de ciel bleu ses "flores de oro". Ce n’est pas sans raison qu’en anglais on l’appelle aussi le "Gold Tree". Mais le feu d’artifice ne dure que cinq jours. Bien trop vite, les beaux pétales viennent décorer l’herbe champêtre ou les trottoirs et carrosseries de voitures dans les villes. Les guayacans sont peu nombreux mais il y en a partout au Panama. En dehors de sa courte période de floraison, il est discret et se fait oublier, tout de vert vêtu, perdu parmi toutes les espèces de la forêt tropicale. Si, au bon moment, vous survolez la forêt de la Cordillère Centrale, par exemple pour aller visiter les îles San Blas, vous serez émerveillé de repérer ces pépites dorées flottant par-ci par-là sur l’océan aux verts changeants et mêlés de la canopée.
Son bois est un des plus lourds et des plus résistants des arbres de la jungle. Dans les ruines de la cathédrale de Panama le Vieja, on trouve encore des restes de poutres en guayacan vieilles de quatre cents ans. Les indigènes en extrayaient de l’huile aux puissants pouvoirs thérapeutiques*2 et certaines ethnies utilisent encore cet arbre pour y tailler les poteaux de leurs huttes. Imputrescible, avec quelques cousins à lui*3, il fait partie de ces fiers squelettes émergeant encore des eaux du lac Gatun qui, depuis plus d’un siècle, essaye vainement de les digérer.
Le moment de la reproduction venu, généralement au mois de mars, ses graines, petits autogires silencieux, volètent par milliers au gré de l’alizé. Le rendement est plus que moyen, le guayacan reste très disséminé dans la dense forêt équatoriale.
L’arbre mesure environ 50m de haut, son écorce, fissurée et rugueuse, est de couleur variable entre gris et chocolat. Les feuilles sont triangulaires, composées, en opposition et mesurent 6 à 30 cm de long par 2 à 15 cm de large. Le fruit, d’environ 60 cm de long, est de forme allongée, les graines de 4 cm d’envergure sont très nombreuses, pourvues d’ailes arachnéennes symétriques. Précisons que le nectar de ses fleurs est très apprécié des abeilles et des colibris qui doivent sûrement le trouver délicieux mais trop éphémère…
Régulièrement, ont lieu des campagnes de plantation de pousses de guayacan, dans les parcs et dans les villes. Des écologistes essayent de sensibiliser la population et en particulier les enfants. A Panama, il y a une soixantaine d’années on comptait dans le seul quartier de Béthania plusieurs centaines de guayacans, du fait de l’urbanisation galopante, il n’en reste aujourd’hui qu’une trentaine. Une association, l’ASEGUB*4, s’est crée pour replanter des arbres aux abords des principales avenues de la capitale ainsi que sur les bords des routes d’accès. Autre exemple, à la mort du pape Jean XXIII, des élèves de plusieurs écoles du pays ont planté des guayacans en sa mémoire.
A noter aussi que des Tabebuias sont également mythiques dans d’autres pays d’Amérique Latine : Tabebouia chrysotricha est la fleur nationale du Brésil, Tabebouia rosea est l’arbre national du Salvador et Tabebouia Chrysantha l’arbre national du Venezuela.
Longue vie à l’arbre aux fleurs d’or !
Notes :
*1- Prononcer gouayacan. Le nom Tabebouia serait dérivé d’une langue indigène, Guayacan serait dérivé de Guayacol (voir note *2)
*2- A l’époque de la colonisation, le bois était transporté en Espagne pour en extraire la résine. Elle était utilisée entre autre pour le traitement de la goutte et de la syphilis sous le nom de guayacol.
*3- D’autres arbres, tels que Níspero ou Espavé, ont des caractéristiques similaires de poids, résistance et imputrescibilité. Le bois de ces espèces ne flotte pas. Les entreprises spécialisées qui vont les récupérer immergés dans le Lac Gatun ont de grosses difficultés pour les remonter à la surface. Ils sont très recherchés pour l’ébénisterie, la longue immersion leur conférant des qualités exceptionnelles.
*4- ASEGUB, Association Ecologique des Guayacans de Béthania.