L’extraordinaire diversité de la faune du Panama (article 1 – À l’origine)
À l’origine.
Il y a une vingtaine de millions d’années, les océans Atlantique et Pacifique échangeaient encore librement leurs eaux entre les continents américains du nord et du sud.
La collision des deux plaques tectoniques, celle du Pacifique passant sous celle des Caraïbes, entrainera d’une part, l’éruption de volcans sous-marins et d’autre part, l’émergence lente d’une partie de la lithosphère. L’accumulation de sédiments finira par créer un pont naturel entre les deux continents : l’isthme de Panama (voir la note *1 concernant la datation du phénomène).
La présence de cette bande de terre venue couper la communication des deux océans aura de grandes conséquences. La plus importante étant la création de nouveaux courants marins, le Golf Stream au nord et le Courant de Humboldt au sud, qui vont considérablement modifier les climats des continents.
L’autre conséquence majeure de ce changement sera l’origine de ce que l’on nomme : le grand échange faunique interaméricain (Great American Faunal Interchange ou GABI).
Lors d’un voyage au Panama, ne manquez pas d’aller visiter le Musée de la Biodiversité, une salle est consacrée à cet important épisode (note *2).
Le grand échange faunique interaméricain
Les animaux des deux continents commenceront à peupler l’isthme, certains n’iront pas plus loin, d’autres continueront leur migration vers les espaces s’ouvrant à l’opposé de leur origine.
Ce phénomène se déroulera en plusieurs étapes, de Gabi 1 (2,5 Ma) à Gabi4 (125 000 ans) et a pu être documenté grâce à l’étude des divers fossiles découverts au fil du temps sur les trois Amériques.
Les fouilles lors du creusement du Canal de Panama ont donné lieu à de très nombreuses découvertes complémentaires. On a trouvé des fossiles datant des époques du Miocène et du Pliocène : primates, paresseux géants, requins mégalodons, mammifères géants et bien d'autres.
Du fait des connections terrestres successives ayant existées au cours des grandes époques climatiques, la faune du continent nord-américain s’était enrichie, depuis la séparation des deux continents, par les migrations d’animaux d’Europe, d’Asie et même d’Afrique. Ce qui n’était pas le cas du continent sud, lequel recevra un gros apport d’espèces du continent boréal lors de la création de l’isthme.
Ainsi, par exemple, ours, félins, paresseux, cervidés ou encore chevaux et lamas sont passés vers le sud, à l’inverse, tatous, opossums ou porcs-épics sont montés au nord.
Le développement de la forêt tropicale en Amérique Centrale favorisera une vague importante d’échanges durant le dernier demi-million d’années.
Partagée en deux par la frontière entre Panama et Colombie subsiste une bio-région, très riche en faune variée, sa forêt primaire constitue le dernier refuge de la nature sauvage. On y découvre encore de nouvelles espèces animales, bien sûr des insectes et parfois même des petits batraciens. Au Panama, c’est le Darien et le Chocó en Colombie.
La route Panaméricaine, qui permettrait d’aller directement d’Alaska en Terre de Feu, n’a toujours pas été construite à travers cette région, il manque environ 70 km. Une chance pour la vie animale locale qui ne s’est pas trouvée pénalisée par une tranchée creusée dans la forêt vierge.
Note 1 :
En 2015, des chercheurs du Smithsonian Tropical Research Institute publient dans la revue Science le résultat de recherches qui tendent à prouver qu’en réalité l’isthme se serait fermé quelques 10 millions d’années plus tôt.
On peut lire à ce sujet cet article paru dans la revue Futura.
Note 2: voir cet article concernant le Musée de la biodiversité
Note 3: Cette image a été réalisée par une équipe de la Nasa, en partant des photos prises par Shuttle Radar Topography Mission (SRTM), à bord de la navette spatiale Endeavour, qui ont permis de réaliser la première carte topographique en haute définition de l’Amérique Centrale. L’image a été colorée pour donner une impression de relief, du vert au plus bas au blanc pour les sommets volcaniques.