Le cuipo, (Cavanillesia platanifolia) le grand arbre du Darien aux allures de sentinelle.
Lorsqu'on arrive dans le Darien, il ne peut échapper à notre vue. C'est un géant et sa forme irrationnelle intrigue aussitôt, son tronc cylindrique interminable de couleur grise est surmonté, toutes proportions gardées, d'un petit houppier. Au début de la saison sèche, décembre- janvier, il perd toutes ses feuilles. On croirait alors qu'il envoie au ciel des racines aériennes, comme un vitrail version résille qui filtrerait la lumière. Puis vient la période de floraison, mars-avril, de loin sa tête prend alors une couleur rougeâtre. Les fleurs, minuscules pour un géant pareil, qui mesurent 2 cm sont groupées en bouquets demi-sphériques. Et puis arrivent les fruits, 10 à 15 cm, de couleur verte au début, virant de l'orange au chocolat lorsqu'ils sont mûrs. Je parle là de couleurs et non pas de goût, bien que je n'ai pas vérifié… Au centre se trouve une graine rigide entourée de ses 4 ou 5 "ailes" légères qui vont l'éparpiller dans les environs, au gré du vent.
Le Cuipo, qui peut atteindre parfois plus de 50 mètres de haut, pousse en forêt vierge dense mais aussi le long des cours d'eau ou en terrain dégagé, plaines ou collines. Son bois, gorgé d'eau et percé de nombreuses cavités, n'est pas utilisable, sauf parfois pour tailler une pirogue. Il abrite les nids de nombreuses espèces d'oiseaux qui trouvent là-haut un espace éloigné de la plupart de leurs prédateurs.
Toujours imposant, il semble veiller sur la quiétude de ces contrées sauvages. Hélas, il est aussi menacé, comme ses congénères aux bois plus précieux, par la déforestation menée par des agriculteurs et éleveurs mais plus encore par des entreprises qui "reforestent" avec des espèces à plus rapide rentabilité. On peut penser ici, par exemple, au teck et à une société nordique qui vend des meubles en kit… Ce genre de pratiques se font au grand dam des Amérindiens qui en souffrent jusqu'à l'intérieur de leurs "comarcas" (réserves) pourtant dites protégées par la Constitution du Panama. Les Emberas et les Wounaans ont beau déposer régulièrement des plaintes, leur voix n'est pas souvent entendue des autorités gouvernementales et lorsqu'elles le sont, les faibles amendes imposées par les tribunaux ne peuvent qu'encourager les défricheurs à poursuivre leurs méfaits. Ainsi, la forêt recule chaque année entraînant le déséquilibre écologique que l'on sait.