Histoire du Panama, le Fort San Lorenzo (3) résumé historique

Publié le par Michel Lecumberry

   C’est Lope de Olano qui découvre l’embouchure du Río Chagres en 1510. Entrevoyant la possibilité d’une alternative au Camino Real pour acheminer les marchandises entre Panamá et Portobelo, le capitaine Hernando de la Serna explore le cours d’eau entre Cruces et son embouchure en 1527.
  
Une dizaine d’années plus tard, le chemin reliant Panamá à Cruces est aménagé en vue de le rendre praticable pour les convois de mules. Désormais, les chargements vont pouvoir être transportés à Portobelo en empruntant successivement le "Camino de Cruces", la voie fluviale sur le Chagres et, après transbordement, la petite traversée en mer. Durant la saison des pluies cette voie sera plus facile à utiliser que le Camino Real, tracé dans une région montagneuse où les sentiers sont vite rendus impraticables en saison des pluies.
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   Très vite, des bateaux étrangers repèrent et investissent l’embouchure du fleuve. En 1571, Francis Drake accompagné de corsaires français remonte le Chagres jusqu’à Cruces, capturant au passage bateaux, marchandises et richesses.          triangle
   Juan de Tejada et Bautista Antonelli incluent dans le "Plan de Défense du Nouveau Monde" une fortification à l’embouchure du Río Chagres. Les travaux de la première défense du site commencent en 1595, il s’agit d’une simple "plateforme" comptant huit pièces d’artillerie et une tour construite à flanc de falaise pour abriter la troupe.
Panamá-Portobelo-San Lorenzo, le triangle stratégique de "la route de l’or" est en place.
  
Alors que les travaux sont à peine entrepris, Drake tente une attaque du site en 1596, mais il échoue dans sa tentative. Le "Castillo San Lorenzo el Real de Chagre" sera terminé en 1599. Cette défense se révèle insuffisante et va se dégrader rapidement. En 1626, l’ingénieur Cristobal de Roda propose un plan d’aménagement pour renforcer la position, mais celui-ci ne sera pas réalisé.
 
En 1668, après avoir détruit Portobelo, Morgan vient reconnaître les lieux, bombardant au passage la position. Il revient deux ans plus tard, attaque, investit facilement la forteresse le 15 décembre 1570. Le 18 janvier, Morgan et sa troupe remontent le fleuve pour aller détruire la ville de Panamá. Le Galois, corsaire de la Couronne, qui n’a ainsi tenu aucun compte des accords de paix entre les deux pays, sera désormais considéré comme un pirate par les Espagnols. Mais pour les Anglais seul le résultat de ses actions comptera, Morgan aura bien réduit en miettes le Triangle Stratégique Panama-Portobelo-San Lorenzo.
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   Réalisée suivant les plans du général Venegas y Osorio, la reconstruction du fort durera jusqu'en 1678. Le nouveau fort, bien que plus élaboré que le précédent, présente des faiblesses dans sa conception architecturale et sera rapidement jugé insuffisant. La défense du Río Chagres sera aussi renforcée par la construction de deux autres forts placés en amont sur des points stratégiques du fleuve.
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  Au cours du 18ème siècle, durant les conflits entre l'Espagne et l'Angleterre, engendrés par la Guerre de Succession (1702-1724), le fort San Lorenzo est l'objet de plusieurs attaques. Repoussée en 1726, celle de l'Amiral Hozier, qui a par ailleurs mis en place le blocus de Portobelo, aurait pu permettre l'invasion de toutes les possessions espagnoles par les Anglais.
  
L'Amiral Vernon, après avoir détruit Portobelo en 1739, va livrer une dure bataille de 67 jours à Cartagena de Indias, mais les Espagnols, commandés par Blas de Lezo, sortent vainqueurs de l'affrontement. Il revient pour attaquer San Lorenzo en mars 1740. Le commandant de la place, Juan Carlos Gutíerrez, se rend rapidement. Vernon laisse la forteresse désarmée et en ruines pour repartir en Angleterre. Les médailles pour glorifier les victoires du nouvel Amiral à Portobelo et à San Lorenzo seront frappées rapidement, sûrement pour atténuer la cuisante défaite de Carthagène.
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  La reconstruction reprendra en 1761, quand l'ingénieur militaire Manuel Hernández vient s'établir ici pour diriger les travaux qui dureront jusqu'en 1768. Comme les trois forts de Portobelo, celui-ci bénéficiera des derniers progrès en matière d'architecture militaire, mais ne sera pas non plus mis à l'épreuve des attaques ennemies. L'ingénieur réunit les trois parties de l'ancien fort par un mur d'enceinte unique. La batterie basse, comptant douze canons défend l'embouchure du fleuve, et la batterie haute, de neuf canons défend l'accès terrestre, elles sont reliées par un pont placé devant le corps de garde. Au niveau de la place d’armes sont construits les deux bâtiments où logent les militaires.
 
La guerre avec l'Angleterre reprend en 1762. Comme l'importance commerciale de Portobelo a pris fin après les attaques de Vernon, les vaisseaux espagnols revenant du Pérou préfèrent désormais passer par le Cap Horn, le fort San Lorenzo ne subira plus de vraies attaques.
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  En 1779, la Couronne espagnole demande à l'ingénieur Agustín Crame d'établir le second "Plan de Défense" des possessions espagnoles de la mer des Caraïbes. Pour le San Lorenzo ses recommandations d'amélioration du site ne seront pas exécutées.
 
Après l'indépendance de la Colombie, obtenue de l'Espagne en 1821, le fort servira épisodiquement de prison. Quelques mois avant sa mort, en 1830, Bolivar y fera interner les assassins du Général Sucre, autre héros de la libération anticoloniale. Une vingtaine d'années plus tard, le fort aux canons démantelés servira de prison d'état, les cellules étaient situées sous les voûtes de la rampe d'accès à la place d'armes.
 
C'est en 1903 que le Panamá obtient sa séparation de la Colombie, cinq ans plus tard le nouvel état Panaméen, conscient de l'importance historique du site, promulgue une loi pour la conservation du fort. Les USA l'occuperont dès 1917, et un an plus tard, le président Thomas Wilson l'intègre autoritairement dans la zone du Canal. Jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, l'armée américaine utilisera le fort comme défense du littoral, une plateforme pour DCA située près de la tour en témoigne.
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  Deux ans après la signature du traité Torrijos-Carter de 1977, le San Lorenzo repasse sous juridiction panaméenne et sera classé peu après sur la liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco. Des travaux de restauration sont entrepris, mais ce n'est vraiment qu'au départ des Américains, le 31 décembre 1999, que le fort deviendra plus facilement accessible aux visiteurs.

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