Café du Panama. A la découverte des meilleurs cafés du Monde. 4/ La Casa Ruiz, visite d'une finca de renom (suite)

Publié le par Michel Lecumberry

  Tout est en place pour la dégustation, sa préparation réglée au cordeau apporte la preuve que ce genre d’épreuve doit se dérouler presque quotidiennement dans ce laboratoire. La Casa Ruiz n’a pas remporté plusieurs médailles d’or dans les concours nationaux et internationaux sans une recherche constante d’excellence pour la qualité de ses cafés.

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  Sur la grande paillasse centrale, ont été disposées huit tasses de porcelaine blanche dans lesquelles María Ruiz a déposé les moutures fines sélectionnées pour la dégustation. Près de chacune de ces tasses, deux autres, l’une permettra le moment venu d’y déposer la mousse du café, l’autre, remplie d’eau servira à laver entre deux dégustations la cuiller fournie à chaque goûteur. Proposé aussi : un petit gobelet pour recracher discrètement les cafés.

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  Plinio Ruiz remplit maintenant les huit tasses avec de l’eau chaude. Un formidable parfum de café chaud envahit le laboratoire tandis que de belles îles de mousses blondes se mettent à flotter. Un protocole immuable va se dérouler, des cinq sens seuls le toucher et l’ouïe resteront un peu en retrait de l’éveil exacerbé demandé aux trois autres pour évaluer et noter le fin breuvage. Et oui, noter ! C’est le but de cette dégustation, une tablette circule sur laquelle il va falloir attribuer des notes et observations pour définir chacun des huit cafés proposés. Passent à l’examen, d’abord la mousse (aspect, couleur, texture et parfum) puis, beaucoup plus complexe, la boisson elle-même. Il faut tester : le goût (acidité, amertume, salé, sucré) et les aromes (la liste est longue mais, annoncés "préventivement" par le manager : baies, orange, citron, amande, fromage ( ?) etc.). J’en connais un qui va vite être "largué" et se faire plutôt discret…

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  Il y a quelques minutes encore, je me demandais s’il fallait entrer vraiment dans le détail de la description du déroulement de cette dégustation (ou cérémonie… j’hésite un peu…) au risque de devenir ennuyeux. Comme cette série d’articles semble intéresser les lecteurs et qu’il n’est pas exclu que quelques uns veuillent tester le café qu’ils achètent au super marché du coin histoire d’en boucher un autre (de coin) lors d’une réunion d’amis, j’y vais ! Façon recette ou mode d’emploi :

  1/ Humer, le nez quasiment à fleur de mousse qui doit être doit-être ferme et compacte. Quel parfum !

  2/ D’une cuiller délicate, écarter un lambeau de mousse et humer au dessus de la blessure que vous venez, un peu sauvagement, de lui infliger. Après tout elle ne vous a rien demandé cette belle mousse…

  3/ Continuer le délicat carnage, ôtez en plusieurs fois toute la mousse avec la cuiller à verser dans la tasse vide voisine.

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  4/ En toute légalité, reniflez maintenant le cul de la cuillère. N’ayez pas peur de vous mettre la goutte (de mousse) au nez. Encore de belles indications à glaner ici.

  5/ Prélever une cuiller de café et là, attention à ne pas réveiller les voisins s’il se fait tard ! Vous vous rappelez "Ces Gens-là", la chanson de Jacques Brel? Quand ils bouffent la soupe froide et que "ça fait des grands flchss, et ça fait des grands flchss", ben ici élevez ça à la puissance dix et vous aurez à peu près une idée du bruit que vous allez déclencher.

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  Expirez profondément, approchez la cuiller jusqu’à poser vos lèvres, pincées comme pour siffler, juste au bord et là d’une longue et puissante inspiration partie du ventre aspirez l’air qui, par un effet de venturi inversé, va faire pénétrer le café dans votre bouche en extase. Toutes les saveurs et les arômes se dégagent et vont enchanter vos papilles et votre odorat. Alors franchement, d’avoir réveillé le voisin pour un tel bonheur… J’évalue ainsi le rapport plaisir/emmerdes-avec-lui que si vous dégustez un rare Casa Ruiz ou mieux encore un "Soleil Matinal" de Paul Dequidt… Pour un café Grand-Mère, je ne sais pas si le jeu vaut la chandelle…

  Dans le laboratoire de la Doctora María, les murs sont "blindés", ils en entendent tous les jours des énormes slurpss … alors, les dégustateurs d’aujourd’hui s’en donnent à cœur joie !

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  7/ Après l’avoir fait rouler dans la bouche pour en découvrir tous les secrets, recracher discrètement le café testé dans le petit gobelet, évaluer sa longueur en bouche et boire ensuite un peu d’eau pour se rincer. Enfin, avant de passer au test suivant, noter tous les arômes déchiffrés, et quelques autres impressions. Ou tout simplement "j’ai adoré".

  Les huit tasses ayant était goûtées une fois (deux fois pour certaines), la Doctora s’approche, dévoile l’identité de chacun des cafés qui, jusque là, ne portaient qu’un numéro. Suspens ! L’observateur que je suis ne peut qu’admirer le résultat obtenu par ces deux grands professionnels, surtout eu égard au piètre score de ma discrète dégustation (sur trois cafés testés j’ai péniblement repéré un arôme de fruit rouge dans l’un d’eux). Je parlais hier des collines du "très satisfaisant", je mesure aujourd’hui la distance qu’il me resterait à parcourir pour atteindre l’Everest de l’ "excellent" en connaissance du café).

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  Pour cet après-midi, Plinio Ruiz a proposé à Paul et Mania Dequidt de visiter une de ses fincas de geisha, demain matin autres visites de plantations plus lointaines, plus en altitude, avant un repas familial que son épouse préparera en l’honneur des leurs visiteurs français.

 

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