Café du Panama. A la découverte des meilleurs cafés du Monde. 4/ La Casa Ruiz, visite d'une finca de renom

Publié le par Michel Lecumberry

  Après ces deux premières journées passées sur la piste des meilleurs cafés du monde, j’ai le sentiment d’être déjà sorti du grand lac de l’ignorance cher à mon vieux professeur d’histoire*1 (oui, oui, je sais… nous parlons ici uniquement de café, pour le reste...). Les rives de la nullité sautées à pieds joints, même Paul Dequidt en personne ne pourrait plus, après un examen niveau primaire, contester que je marche désormais sur la plage estampillée "bien, mais peut mieux faire". Combien sommes-nous à avoir séjourné mollement sur ces plages scolaires ?

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  Au programme de ces trois jours à venir, visites de fincas*2 de renom et de la "Feria de las Flores y del Café de Boquete"*3, avec au passage quelques séances de dégustation de cafés "gourmets". Le guide-traducteur va donc pouvoir viser maintenant les collines du "très satisfaisant", dans ce but, la mission assignée à cette nuit de quiétude fût d’affuter mes cinq sens. Ce matin, dégusté le petit-déjeuner style "panaméen", direction la "Casa Ruiz", l’une des exploitations les plus anciennes et les plus réputées de la région.

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  Plinio Antonio Ruiz, manager de la finca, accueille avec sympathie ses invités de marque, clients appréciés depuis leur premier passage ici en 2007. Paroles de bienvenue et de retrouvailles avant de préciser le programme de cette visite sur deux jours, lequel débute ce matin par une dégustation "en aveugle" des meilleures variétés de l’exploitation. La conversation s’engage sous d'excellents auspices, quelques instants plus tard, un homme, d’une élégante démarche se dirige vers notre table pour nous être présenté par son fils Plinio. Le port de tête altier, la grande courtoisie des paroles de prévenance, l’humour enluminant de ci de là les propos, les gestes posés, tout dénote la classe d’un vieil hidalgo. Don Ruiz, malgré ses quatre vingt dix ans passés et avoués, doit encore diriger de main de maître "sa" Casa Ruiz, le parafeur que viendra lui présenter une secrétaire au milieu de l’entretien en sera la preuve. Tout aussi élégamment, Don Ruiz prend bientôt congé pour rejoindre l’ami qui l’attend.

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  La dégustation est bientôt prête ! Direction le laboratoire, le centre vital de l’exploitation. Ici règne la "Doctora" María Ruiz, sœur de Plinio, ingénieure diplômée d’un MBA*4 et titulaire d’un doctorat en philosophie. L’accueil est amical et professionnel à la fois. La chevelure, prisonnière d’un filet apprêté, n’est pas là pour chasser la petite note sévère des lunettes qui accentue le sérieux du visage. La Doctora s’affaire pour les derniers préparatifs de la dégustation, chronomètre d’une main et cuiller de prélèvement dans l’autre, elle examine régulièrement la couleur des grains qui rôtissent dans ses petits torréfacteurs de poche. Parfois, entre ses paumes, elle emprisonne un peu de la fumée légère qui s’échappe du tambour et la hume, l’expérience parlant, la torréfaction est arrêtée à la seconde près. Chaque échantillon fait l’objet d’un rapport où chiffres et signes cabalistiques paraissent faire bon ménage pour remplir les fiches qui resteront occultes durant le test.

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  La jeune assistante de María s’occupe de terminer la mise en place des tasses sur la paillasse centrale. Tout laisse à penser que cette dégustation va beaucoup ressembler à celle qui pourrait se dérouler dans le chai d’un grand cru de Bordeaux. La Casa Ruiz possède plusieurs dizaines de fincas réparties sur les pentes des volcans avoisinants, à des altitudes variables, les unes exposées au soleil le matin, les autres l’après-midi. Certains caféiers poussent à l’ombre de grands arbres, parfois partagent le terrain avec des orangers ou des guandú*5. On y cultive des variétés diverses d’arabicas, catuai, magarogipe, berlina, geisha etc. Tous ces facteurs font qu’il y a des différences notoires de goûts au sein de la même exploitation. Aujourd’hui Paul Dequidt est invité à tester avec Plinio huit cafés "gourmets" de la Casa Ruiz, seul indice fourni par la Doctora : il y a deux qualités de geisha… Elle seule sait dans quelles tasses elles sont.

 

La suite

 

Notes

*1- voir article d’intro

*2- finca : exploitation agricole

*3- Féria des Fleurs et du Café de Boquete

*4- MBA : Master of Business Administration

*5- guandú (pron. gouandou) cajanus cajan- Pois d’Angole. “Arroz y guandu” (riz et pois d’angole) est un des plats les plus typiques du Panama.

 

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