Le cacao de Panama, source de commerce équitable pour les indiens Ngäbé Buglé (1ère partie)
Un peu d'histoire
Quand on parle d’agriculture au Panama, on entend très souvent : banane, ananas et café! Mais bien avant la commercialisation de la banane à la fin du 19èmesiècle dans la province de Bocas del Toro, la production massive agricole était le cacao. La région de Bocas del Toro, dont Isla Colon fut la première capitale du Panama après sa séparation de la Colombie s’enrichit en premier lieu avec le cacao. Les plantations de cacao disparaissent peu à peu au cours du vingtième siècle. Certaines maladies incurables, telle la Monilla et le “WitchBroom” déciment un arbre à la constitution fragile. Mais c’est à Paris, lors de l’Exposition Universelle, que sonne le glas du cacao. La banane est présentée au grand public comme un aliment aux propriétés nutritives miraculeuses. La folie de l’or jaune agricole s’empare du vieux continent et des milliers d’hectares de plantation de cacao et de forêt vierge sur le nouveau monde sont sacrifiés à la culture de la banane.
En 1970, les autorités agricoles du Panama introduisent un hybride, appelé vulgairement l’arbre MIDA. Plus résistant aux maladies, il est replanté sous la canopée de la forêt tropicale du Panama. De par son agrosystème les plantations ombragées produisent moins de volume et ne peuvent faire concurrence aux plantations à ciel ouvert de l’Afrique de l’ouest.
De la botanique à Bocas del Toro
Le cacaoyer est un arbuste fruitier de la famille des Sterculiacées Cacao, de son appellation binominal: Théobroma Cacao. Le cacaoyer se cultive en zone tropicale, il a besoin de chaleur (24ºà 27º C) et d’humidité (2.500mm d’eau par an)
Il existe 3 variétés principales de cacaoyers, le Forastero*1, le Trinitario*2 (premier hybride datant de la fin du 18èmesiècle) et le Criollo*3. L’on compte une centaine de sous-variétés et d’hybrides repartis sur les trois continents : Amérique, Afrique et Asie.
Les trois variétés existent à Bocas del Toro, mais nous avons une domination du Trinitario avec des plantations plus ou moins organisées depuis le début des années 1950. Le Criollo se trouve majoritairement sur les plantations abandonnées de cacao qui forment largement le paysage éco-agricole de la région. Les calebasses de Criollo sont récoltées de façon sporadique au grè d’une demande immédiate sans priorité de qualité. Dans ces plantations de cacao, dont certaines atteignent presque 100 ans, la forêt secondaire a pris le pas sur la plantation productive. Le Forastero reste très minoritaire.
En raison de la tradition culturelle, de la nécessité économique et de la biologie de la culture du cacao, le cacaoyer pousse sous la canopée de la forêt secondaire de Bocas, créant très souvent un habitat relativement fermé avec son écosystème, dans un paysage agricole plus ouvert et dégradé par les pâturages.
"Citizens of Chocolate", le Collectif.
Le cacao tribal est un produit entièrement organique de la jungle ombragée de Bocas del Toro sur la côte des Caraïbes de la République du Panama. La région de Bocas est le foyer de l’une des trois "Comarcas" (territoires autonomes amérindiens du Panama). La "Comarca" du peuple Ngäbé Buglé s’étend des montagnes du Parque Natural de La Amistad jusqu’à la réserve marine de Bastimento sur la côte des Caraïbes. Dans la jungle ombragée, le cacao est travaillé et récolté dans la tradition amérindienne. Après avoir récolté les cabosses, les graines sont séparées pour la fermentation. Elles sont ensuite séchées au soleil pendant plusieurs jours. Une fois séchées, les graines sont torréfiées traditionnellement au feu de bois. Après le concassage elles sont manuellement roulées en sphères. Les sphères de cacao représentent un produit exclusif, issu de la biodiversité et du développement durable. Ce cacao est produit par le collectif de femmes Ngäbé Buglé, individuellement ou au travers de micro entreprises. Par ce moyen les femmes amérindiennes assurent leur avenir et leur durabilité économique. Nous croyons fortement au rapport d’échanges avec les producteurs locaux. L’action de "Citizens of Chocolate" est participative. Elle œuvre pour promouvoir la sauvegarde de la terre et son utilisation ancestrale, notamment au travers du développement durable et des bonnes pratiques environnementales qui répondent aux besoins d’un environnement subtropical. Ainsi que la protection de la faune et de la flore de la forêt tropicale de Bocas.
L’idée de "Citizens of Chocolate" ne se fonde pas uniquement sur le profit et les "bénéfices". C’est avant tout l’organisation d’une structure qui bénéficie aux trois grands paramètres du commerce :
1) La productivité durable, communautaire ou individuelle. Elle bénéficie à l’entreprise par le savoir-faire, la qualité du travail et le sérieux du producteur. Elle bénéficie à l’environnement (non-utilisation de fertilisants, agro système traditionnel avec une polyculture sous la canopée etc.)
2) L’entreprise, responsable des "bénéfices". Bénéfique au producteur (achat de la matière première à un prix équitable, refus du travail infantile et issu de l’esclavage, participation économique ou physique à l’amélioration des infrastructures communautaires). Bénéfique à l’environnement (terres sans jachères, respect de l’écosystème, préservation de la biodiversité). Bénéfique au consommateur (un produit de qualité, un produit sain, un produit "éducatif" sur son origine et sur ses ramifications gastronomiques).
3) Enfin le but final: le consommateur. Si l’on peut dire, celui par qui tout commence !
Notes:
*1 - Le Forastero : représente plus de 70% de la production mondiale. Il donne les cacaos les plus courants, de saveurs amères et aux arômes acides.
*2 - Le Trinitario : hybride obtenu par croisement du Forastero et du Criollo au 18ème siècle, il donne des cacaos fins, à teneur élevée en matière grasse.
*3 - Le Criollo donne les cacaos les plus fins, les plus aromatiques, d’une saveur combinant douceur et une pointe d’amertume.
Toutes les photos sont de Mathilde Grand