Le cacao de Panama, source de commerce équitable pour les indiens Ngäbé Buglé (2ème partie)
Un moteur d’entreprise ne doit jamais être à but exclusivement mercantile. Il doit être participatif. Il y a "le capitalisme sauvage" qui n’est d’autre que l’extension du colonialisme. Puis il y a la définition du capitalisme tout court, une structure économique organisée autour de la propriété privée et celle-ci laisse la porte ouverte à une multitude de schémas possibles. Ce sont des choix d’humanité, propres. C’est vers cela que l’on s’achemine chaque jour à Bocas del Toro avec "Citizens of Chocolate", en travaillant sur la notion que nous sommes tous connectés. C’est notre symbiose: il n’a pas moi ici, et l’autre là-bas, avec la nature entre les deux ou au pire en dehors de la dynamique !
Et puis, il y a une responsabilité culturelle, voir même spirituelle avec le cacao. Il reste à l’heure actuelle un arbre sacré pour certains peuples amérindiens: Théobroma Cacao (θεός-dieu, βρῶμα-nourriture). C’est Quetzalcóatl qui donne aux peuples originaires, "les humains", les graines de cacao et leur apprend à les cultiver. La partie "enseignement" du Serpent à Plumes est importante à signifier parce qu’elle représente l’apprentissage spirituel-intemporel venant du cosmos à la Terre-Mère (Ix-Chel, Coatlice, Pachamama, etc.), qui reliera Quetzalcóatl à son peuple d’humains durant son exil, tel un cordon ombilical. A l’heure actuelle cette cosmovision du cacao se traduit encore dans les cérémonies amérindiennes contemporaines.
C’est d’abord au travers des Codex Maya que l’on découvre les informations sur l’implication du cacao dans la vie des peuples originaires. Mais la première trace du mot "cacao" remonte aux environs de 1000 AC, inscrite sur les plaques Olmèques.
Au 21ème siècle, la production du cacao au Panama reste largement entre les mains des communautés amérindiennes. La Province de Bocas del Toro est la région la plus productive du pays où 85% de la production de cacao réside dans la Comarca Ngäbé. Mais il ne faut pas oublier l’apport considérableà la production de cacao par les communautés afro-antillaise de la terre ferme.
C’est cette relation particulière entre l’amérindien et le cacao que nous travaillons à préserver chez "Citizens of Chocolate". Pas seulement au niveau d’une activité économique durable mais par la fabrication et la diffusion d’un produit traditionnel de haute qualité qui correspond à la saveur authentique du chocolat. Le cacao est un aliment de tous les jours et le savoir faire ancestral amérindien est très peu exploré. Ses ramifications culinaires sont sans fin. "Citizens of Chocolate" a donné une conférence/atelier à la Foire du Livre de Panama en août dernier et nous avons invité deux Chefs à travailler notre cacao. Patricia Miranda Allen du restaurant "Cerro Brujo" à Volcan a créé une "Croquette d’Agneau de Chiriqui en Sauce Chocolat et Noix de Cajou" et Romuald André Lestienne, Chef général au "Trump Ocean Club" a travaillé notre cacao pour ses superbes Truffes au Chocolat. Il faut commencer à considérer le cacao du Panama comme un véritable produit de terroir qui, de par sa qualité, se marie naturellement à d’autres produits fins. "Citizens of Chocolate" travaille actuellement sur deux événements à ce sujet. Le premier est: "Evénement Culinaire autour du Chocolat" au "Cerro Brujo" de Volcan le 6 octobre 2012. Patricia Miranda Allen, la Chef exécutive de ce lieu a gagné en mars dernier à Paris le prix du meilleur livre de cuisine de terroir pour l’Amérique Latine. Le deuxième se déroulera début décembre au "Trump Ocean Club": une dégustation de vins et chocolat/cacao. La dégustation du cacao national pur, venant de différentes plantations, sera une première au Panama.
Un des travaux "herculéens" de "Citizens of Chocolate" est la partie éducative au travers de ses conférences et ateliers. On se retrouve déjà avec au moins deux générations que ne savent pas ce qu’est le cacao. Aux Etats-Unis la loi autorise à appeler "chocolat" un produit qui contient seulement 5% de cacao. Avec ses 35%, la norme européenne est plus généreuse. Mais tous les deux ans les Etats-Unis reviennent à la charge et font un véritable "forcing" sur l’Union Européenne pour qu’elle rabaisse son pourcentage. Ce maintien de la norme européenne et l’éducation "active" et "participative" de la population actuelle et des générations à venir sont impératifs pour l’avenir du cacao et du vrai chocolat. C’est l’équation sine qua non pour la survie des producteurs de cacao et des artisans chocolatiers. Le chocolat est en passe de devenir un produit de luxe et d’érudits ! Bacchus (qui fut lui aussi un exilé) offrit à l’homme le vin "qui fortifie le corps et l’âme", un élixir sacré qui parlait au cœur des hommes et engendrait des transes. De même Quetzalcóatl pourvut l’homme d’un élixir sacré (à l’époque Maya le chocolat était consommé comme un breuvage épaissi au maïs). Il serait temps de reconnaitre au cacao, ce qu’à travers les âges, la Pensée et les arts, notre civilisation a reconnu au vin: une médecine divine pour le corps, le cœur et l’âme.
Mathilde Grand
www.facebook.com/CitizensOfChocolate
Citizens of Chocolate sera l'année prochaine certifié B Corps
Illustrations de Mathide Grand
Retour sur la première partie de l'article
Retour sur l'interview de Mathilde