Chapeaux ! Un panama peut en cacher un autre…
Bonjour, dites-moi, du Panama, vous savez quelque chose?
- Oui, bien sûr, le Canal!
La réponse, unanime, est quasiment inscrite dans la question.
- Mais encore…
(petite réflexion…) - Ah oui ! Son chapeau...
L’évocation de ce couvre-chef viendra le plus souvent en deuxième réponse, et pour cause, il est le chapeau le plus célèbre au monde. Un comble pour un usurpateur d’A.O.C… Oui, un usurpateur car en fait on devrait l’appeler un "équateur" c’est bien de ce pays qu’il est véritablement originaire sous son vrai nom : "El Sombrero de Paja Toquilla" (le chapeau de paille Toquilla).
Les indigènes de cette région d’Amérique du sud devenue l’Equateur, savent tisser finement la palme "toquilla" depuis près de 5 000 ans ! Plus précisément, c’est durant la période de la Culture Valdivia*1, qui laissera aussi des poteries très originales, que se trouve l’origine du tissage de ces chapeaux. Les conquistadors espagnols, furetant à la recherche des richesses de l’Eldorado, seront les premiers à découvrir ce mythique couvre-chef qui, à l’époque, recouvrait son utilisateur jusqu’aux épaules… Sa finesse était telle qu’ils les pensaient confectionnés avec des ailes de chauve-souris ! Francisco Pizarro et Diego de Almagro, partis de Panama vers l’Amérique du sud furent, sans le savoir, les premiers à ouvrir la route du futur chapeau panama.
Alors comment ce chapeau qui a toujours été tissé à la main par les amérindiens de l’Equateur, a-t-il fini par s’appeler un "panama" ?
C’est un espagnol, Manuel Alfaro, homme d’affaire avisé installé à Montecristi *2 pour exploiter des gisements d’or, qui en 1825, commencera à exporter vers le monde entier ce qu’il appellera les chapeaux "Montecristis". Suite au succès rencontré il organisera localement une production importante qui perdure. Les Montecristis restent de nos jours les plus fameux des trois types de panamas*3.
Au 19ème siècle, les ingénieurs et cadres de l’équipe des constructeurs du Canal de Ferdinand de Lesseps vont adopter ce chapeau de paille tressée, léger et agréable à porter. Idéal pour se protéger du brûlant soleil, mais aussi étanches à l’eau pour les plus finement tissés. Début de sa renommée.
En 1906, parues dans le New York Times, des photos de Théodore Roosevelt, tombé amoureux de ce chapeau lors de sa visite du Canal américain en construction, vont faire le tour du monde et donner ses lettres de noblesse au "Panama Hat". Personne ne corrigera l’erreur concernant l’origine indiquée du petit parasol blanc ceint d’un chic ruban noir.
Napoléon 3, Edouard 7, Winston Churchill, Nikita Khrouchtchev, et bien d’autres se couronneront du désormais célèbre "couvre-Chef" …
Le cinéma ajoutera à sa popularité. On se souviendra du très élégant Humphrey Bogart, de Dirk Bogarde dans Mort à Venise de Visconti ou encore de Monsieur Brun dans l’inénarrable "partie de cartes" du Marius de Marcel Pagnol*4.
Au théâtre, en 1882, Sarah Bernhardt dans Fédora*5 porte un modèle qui restera un grand classique, le fédora, proche parent du borsalino, autre modèle classique de panamas.
Alors bien sûr, que peut faire l’authentique chapeau des panaméens, le "sombrero pintado", sinon, pourrait-on penser, vivre à l’ombre imposante et imposée du classieux*6 usurpateur. Mais, croyez moi, il vit très bien sous le soleil panaméen, éclipsant de son omniprésence locale son réputé et grand voyageur confrère.
Ceci est un peu l’histoire du chapeau des villes, vient ci-après celle du chapeau des champs…
Notes :
*1- époque dite "formatif" (période qui couvre les IIIe, IIe et Ier millénaires av. J.C. jusqu’à 500/300 av. J.-C.)
*2- dans la province de Manabí en Equateur
*3- on se reportera, le moment venu, au prochain article consacré à ce fameux chapeau, dans lequel seront évoqué sa fabrication, détaillé son histoire et décrits ses différents modèles.
*4- vidéo pour se détendre un peu…
*5- Fédora, pièce de Victorien Sardou au Théâtre du Vaudeville- 1882. La grande Sarah sera présente pour l’inauguration du Teatro Nacional de Panamá. Débarquant d’un paquebot "la Bernhardt" monte dans un fiacre et de sa voix d’airain ordonne: Cocher, à la forêt vierge !
*6- clin d’œil au Grand Serge, inventeur (entre autre…) de ce beau qualificatif.