La fête du Corpus Christi à La Villa de Los Santos (4) les autres Danzas

Publié le par Michel Lecumberry

   Et voilà! Lancé, rodé par des siècles de bons et loyaux services, le moteur de la sarabande n’aura pas de ratés durant cette festive journée. La montée des marches vers l’office religieux sera plutôt calme et ordonnée. Plus tard, durant la procession, il y aura parfois quelques moments de surrégime mais qui s’en plaindrait ?

  Sans entrer dans les détails de l’historique et de la représentation chorégraphique de chacune de ces autres danzas, sur lesquels je reviendrai peut-être plus tard dans d’autres articles, profitons de cette sage montée vers l’église pour les identifier.

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  Danza de la Montesuma Española et Danza de la Montezuma Cabezona, elles sont les vestiges de représentations théâtrales très anciennes évoquant la reddition de l’empereur Moctezuma II devant Hernán Cortés mais aussi devant l’Eglise qu’il représentait.

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  Danza del Torito*1, ici il s’agit d’évoquer le travail quotidien des paysans éleveurs de bovins. Les hommes, adultes et enfants, sont vêtus de "mantes" de couleurs vives et du chapeau de paille traditionnel. Au sein du groupe, qui danse et chante au son d’un fifre et d’un tambour, évolue le Torito. Au petit jour, après avoir festoyé toute la nuit, le groupe de vaqueros*2 est parti dans la forêt voisine à la recherche de l’animal de bois et de tissu peint qui les accompagne ensuite durant la journée, mais pas dans l’église. (Nous le verrons en photo dans l’article suivant consacré au défilé)

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  Danza de las Enanas*3, c’est une des traditions plus récentes qui se sont greffées aux plus anciennes qui étaient, nous l’avons vu, d’origines religieuses. Les historiens spécialisés dans l’étude des manifestations folkloriques du Panama pensent que cette Danza trouverait son thème à l’époque de l’arrivée des esclaves africains parmi lesquels se trouvaient des Pygmées. Ce groupe serait l’antagoniste des représentations de géants que l’on trouve encore dans le folklore du Guatemala (et en Europe).

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  Danza del Zaracundé ou Cuenecué, cette danse trouve son origine dans la manifestation des esclaves marrons lors du mardi gras. Cette tradition se perpétue aussi, comme évoqué précédemment, lors des réunions des Congos de la côte Atlantique. Les similitudes sont nombreuses : entre autre, la présence d’une reine, appelée ici la Mamán Grande ou encore la soliste et le chœur reprenant le couplet du groupe musical rythmé au son du tambour.

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  Danza de los Gallinazos *4, ici il s’agit de la transposition directe d’une tradition de Portobelo. Satire comique inspirée d’une fable. La voici contée : Un gallinazo, en recherche aérienne d’un possible repas, vient à survoler un âne qui lui semble mort. Un rapide plongeon le dépose près de sa proie présumée. Le picotage commence souvent, on le sait, par le rectum… las, l’équidé qui fait tout simplement sa sieste, sursaute. La réaction est brutale, l’âne badigeonnant de ses nobles excréments jaillissants comme geyser islandais le pauvre vautour. Le volatile ainsi repeint et parfumé jura, fort dépité, que désormais avant de se diriger vers l’arrière train de ses futures agapes, il commencerait son repas en dégustant le dessert, à savoir par les yeux*5.

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  Pour clore cette description des différentes danzas, il me faut évoquer un groupe traditionnel qui participe activement à ces réjouissances mais qui ne peut entrer à l’église, jugé trop indigne et vulgaire. Ce sont les Mojigangas y Parrampanes*6, il ne s’agit pas à proprement parler d’une Danza mais plutôt d’un rassemblement de personnages qui se moquent, en exagérant le trait, des notables de la contrée. Le Curé (cause, on s’en doute, de l’interdiction) et le Maire en sont les principales victimes. La tradition, présente aussi dans les carnavals de nombreux pays, remonte à des pantomimes satiriques qui se déroulaient en Espagne depuis 1580.

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  Pendant que je fais quelques photos et mémorise consciencieusement les éléments qui me permettent aujourd’hui de vous conter tout ça par le menu, tout ce beau et pittoresque monde est rentré dans l’église. Comme il n’y a plus de place pour les retardataires et bien, fort déçu (heu… un peu faux derche le rédacteur par moments), je vais pouvoir me balader dans le petit parc ombragé voisin et papoter avec des réfractaires aux longues messes (deux heures quand même…). Royal plaisir, tant le peuple panaméen est sympathique et attachant, je me répète souvent mais, que voulez-vous, les occasions de le constater sont si nombreuses…

  Les deux heures, au demeurant fort enrichissantes, vont ainsi vite passer. Je devine déjà la crosse pastorale s’extraire d’un dernier cantique pour venir briller dans la pénombre qui fait tache au centre de la blanche façade. La voilà qui vient maintenant s’abriter des coups de soleil sous son dais ambulant qui piaffe d’impatience.

  Place à la procession sur tapis de fleurs

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Notes

*1- diminutif du mot toro. Au Panama désigne également une espèce de coléoptère de couleur noire

*2- que l’on traduirait aux USA par cow-boy

*3- les naines

*4- Gallinazo ou Gallote, nom commun du vautour Coragyps atratus. Très fréquent au Panama, il est le nettoyeur attitré des ordures des alentours de villes et des cadavres d’animaux dans les campagnes.

*5- Citons la phrase exacte du volatile, transmise avec précision par cette vénérable tradition : « Juro, juro y perjuro primero picaré el ojo y luego picaré el culo » est-il besoin de vous traduire le serment mot à mot ?

*6- que l’on pourrait traduire par "farces"

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