Carnaval au Panama, les incontounables "culecos"
Depuis des temps anciens, les divertissements des quatre jours traditionnels du Carnaval au Panama ont quelque chose d’immuable, de sacré. Avant les défilés carnavalesques du soir, dans les villes et villages, généralement sur la place centrale, jeunes et moins jeunes viennent s’amuser, gesticuler et danser abondamment arrosés par les lances à eau de camions citernes. Ce sont les "culecos" ou "mojaderas"*1.
S’il nous fallait une preuve de l’importance de ces séances d’arrosage, voici une anecdote significative d’actualité.
Début 2016, à l’approche de la date festive, depuis des mois l’Amérique du Sud et l’Amérique Centrale subissent les terribles conséquences de ce dérèglement météorologique que l’on appelle "El Niño"*2. Au Panama, la sécheresse subie, suite à un premier déficit de pluies en 2015, s’aggrave de façon importante durant le dernier trimestre de l’année. A juste titre, les médias font depuis cette époque leurs gros titres sur les conséquences dramatiques: villes et villages de certaines régions sans eau courante, nappes phréatiques vides, récoltes perdues, cheptels d’animaux mourant de soif et de faim ou encore feux de forêts.
A deux semaines des festivités traditionnelles, les titres changent. Les autorités du pays envisagent d’interdire le remplissage des camions citernes. L’unique sujet évoqué dans les médias devient : les citernes sur roues seront-elles pleines ? La question est grave, on lit partout : un Carnaval sans culecos n’est pas un Carnaval. La tension monte, fi des catastrophes citées plus haut. Finalement, surement pour éviter la première grande révolution de l’histoire du pays, la sentence tombe : on remplira les camions citernes ! Mais uniquement dans les rivières où coule encore un peu d’eau non potable. Ouf! Le pays peut respirer:
Agua! agua, agua y aguaaaaa..., eeeeyyeehhhh!
Croulant sous les morsures d’un soleil de plomb, assommée par un Niagara de décibels s’abattant sur elle, dégringolant d’une falaise de baffles gigantesques, la foule agitée implore le préposé à la lance d’incendie :
de l’eau ! De l’eau, de l’eau… eeeeyyeehhhh! De l’eau !
Un Niagara d’eau, mais de la mousse aussi…
Et après la douche au gel moussant, le rinçage…
A demain !!! ou à l’an prochain…
Notes :
*1- Les historiens pensent que cette expression viendrait de la brumisation que les colons espagnols faisaient parfois sur les poules qui couvaient sous la chaleur tropicale.
*2- Ce phénomène de réchauffement des eaux du courant de Humboldt dans le Pacifique qui se déclenche en fin d’année est appelé ainsi par allusion à l’enfant Jésus. (el niño en espagnol c’est l’enfant)