La fête du Corpus Christi à La Villa de Los Santos (1) les tapis de fleurs

Publié le par Michel Lecumberry

   Les premières traces historiques de la fête du Corpus Christi*1 de La Villa de Los Santos*2 remontent à l’arrivée des colons espagnols au cours du XVI ème siècle. Durant cette manifestation annuelle, la rencontre entre l’Eglise (le religieux) et les traditions populaires (le païen) a trouvé son origine dans l’une des méthodes utilisées par les prêtres catholiques pour convertir les indigènes. Déjà dans de nombreuses villes européennes et en particulier en Espagne, le clergé organisait dans les églises des manifestations théâtrales, des pantomimes, pour inciter les populations à se convertir devant la menace du Diable au masque effrayant. Au Panama, cette manière d’évangéliser trouva sa place dans la Villa de Los Santos. Dès la construction de la grande église San Atanasio (1782), la présence de la religion dans ces manifestations folklorique devint plus importante.

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  En 1988, les habitants de la petite ville ont créé une organisation communautaire pour sauvegarder et renforcer ce patrimoine culturel authentique : la Asociación Rescate de Danzas "Miguel Leguízamo"*3. Durant l'année, enfants et adultes participent au sein des dix "Danzas" traditionnelles qui s’exprimeront durant deux semaines dans tous les quartiers de Los Santos. Au cœur de ces jours de liesses populaires, le jour du Corpus Christi, les Danzas se mêlent à la fête religieuse, à l’intérieur de l’église durant la messe et au cours de la procession du Saint Sacrement qui lui fait suite. C’est l’affrontement du Bien et du Mal représentés par l’Archange Saint Michel et par le Diablo Mayor.

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   Ce jour-là, les habitants s’activent dès le lever du jour pour décorer les portions des quatre rues qui encadrent la place centrale, laquelle jouxte la porte latérale de l’église. Chaque groupe va réaliser un tapis décoré de motifs très colorés en utilisant essentiellement des fleurs mais aussi des feuilles, des graines et autres fins copeaux de bois*4. Vers dix heures, tandis qu’un peu plus loin les Diablos repentis ont obtenu de l’Archange l’autorisation de pénétrer dans l’enceinte sacrée, ici l’ambiance est tendue, certains sont un peu "charrette", car toutes ces magnifiques œuvres devront être prêtes à midi, heure de la procession.   

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   C’est bien durant les dernières minutes de la messe qu’il faut faire le tour de la place pour admirer ces tapis de fleurs à peine achevés. Bientôt, sans aucun respect pour les œuvres hautement artistiques, mouillées parfois de la sueur des décorateurs, le Monseigneur, les membres protecteurs de son clergé, bien à l’abri de leur dais voyageur, et leur turbulente suite diablesque vont allégrement fouler aux pieds ces superbes et tout aussi éphémères tapis.

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Mollo, mollo...Ne rien abîmer, avant le passage du Monseigneur...

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- Je vous en prie, Monseigneur, foulez, foulez
- Mais c’est Jean-Paul II,  tout de même…
- Mais non, Monseigneur, ce ne sont que fleurs que manants ont jeté à vos pieds. Je vous assure, Monseigneur, foulez, foulez donc sans crainte…
  
  
L’ostensoir à peine revenu dans l’église, les Danzas se dispersent dans les bistrots du quartier pour les enflammer. Sûrement animés d’une compassion toute villageoise, les balayeurs vont vite faire disparaître les restes végétaux, objets de l’outrage. Les fleurs ont triste mine et ne parfumeront plus les rues vite rendues aux gaz d’échappements des voitures qui reprennent possession de leur territoire.

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Pour le fun, avant le retour des pollueurs à quatre roues 

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Tout ça pour ça... Mais c'était l'effigie de Jean-Paul II, tout de même...

  Mais nous n’en sommes pas là. Pendant que les artistes décorent le bitume pour le confort des escarpins épiscopaux, sur le parvis de l’église, le "Diablo Mayor" (le chef des Diables) affronte l’Archange Saint Michel armé de son épée, premier rempart, aidé sur ses arrières par Monseigneur l’Evêque et sa redoutable Crosse .

A suivre…

Notes :

*1- Pour en savoir plus sur cette fête religieuse qui a lieu 60 jours après Pâques.
*2- La Villa de Los Santos est historiquement connue depuis 1515 alors qu’elle ne sera fondée officiellement qu’en 1569. La ville et plus généralement la Province ont une histoire très riche et conservent des traditions ancestrales très fortes qui mériteront d’être évoquées dans de futurs articles. La période du Carnaval, la Fête du Corpus Christi, le Festival de la Mejorana ou encore la Fête du Manito de Ocú sont autant de manifestations qui placent cette région au premier rang du patrimoine culturel du Panama. Située dans la région de l’Azuero, la ville compte actuellement quelques 7000 habitants.

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*3- Cette association pour la sauvegarde des "danzas" a fait des recherches très poussées sur ces festivités ancestrales qui se sont transmises essentiellement par voix orale. Son but est maintenant de les faire revivre, de les faire connaître en tant que patrimoine culturel et naturel. Chaque "Danza" est bien définie par ses costumes et sa chorégraphie. L’INAC (Institut National de la Culture) a instauré récemment une manifestation de toutes ces danses qui a lieu une semaine après la fête du Corpus Christi et qui porte le nom de "Día del Turismo de Los Santos"  
*4- Cette tradition de tapis de fleur existe aussi en France (Ouessant et Geispolsheim) également en Italie, en particulier à Spello. (photo Wikipedia)

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