La fête du Corpus Christi à La Villa de Los Santos (3) les Diablicos Sucios

Publié le par Michel Lecumberry

   A peine la mitre et la crosse épiscopales avalées par la pénombre de l’enceinte sacrée, entourées par la garde prétorienne vêtue de blanc et par l’Archange qui sert d’arrière garde, que les Diablicos Limpios démasqués leur collent aux basques. La brèche est ouverte, vont s’y engouffrer dans un long défilé les huit autres "danzas" impatientes d’y entendre cantiques et prêches dominicales.

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  Ce premier défilé grimpant les marches du parvis va me permettre de détailler les différents personnages de la Fête du Corpus Christi de La Villa de Los Santos.

   A tout seigneur, tout honneur. Les Diablicos Sucios, c’est la plus importante des "Danzas", par le nombre de participants et par le rang dû à leur plus grande ancienneté dans cette tradition locale. Les "Diables Sales" doivent leur nom à l’état dans lequel ils se trouvaient autrefois après quelques heures de gesticulations par grande chaleur. En effet, à une époque reculée, outre le masque effrayant, leur déguisement était constitué d’un vêtement de toile écrue sur laquelle étaient tracés des rayures alternant le noir du charbon et le rouge extrait de l’achiote*. Sous l’effet de la transpiration, au fil du déroulement des manifestations, les couleurs se mettaient à couler et c’est du mélange pas très "clean" obtenu involontairement que vint leur nom*2.

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   Dès l’arrivée des Espagnols de la Conquête, ce personnage de pantomime était utilisé pour catéchiser les indigènes effrayés à sa seule vue. Avec le temps, se sont greffés d’autres éléments de la culture hispanique : les castagnettes, le zapateo (bruit rythmé des semelles qui claquent au sol) et l’accompagnement musical de la mejorana*3. Autre élément musical, de petits grelots accrochés au pantalon tintent au rythme de la danse. Le diablico est aussi équipé d’une vessie de bœuf gonflée d’air qui, dans la tradition, fait office de fouet, mais peut servir aussi de "grosse caisse" dans les danses de groupe.

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  Le masque est une véritable œuvre d’art populaire. Il est fait de papier mâché finement peint, le tout réalisé par des artistes locaux. Contrairement aux masques des Diablicos Limpios, évoqués dans le précédent article, ceux-ci sont zoomorphiques. A l’arrière de la tête, le masque est complété par un imposant épi de grandes plumes de aras, qui peuvent être également peintes.

   Chacune des différentes danses des Diablicos Sucios se composent de plusieurs figures chorégraphiques bien définies par la tradition. Certaines de ces danses s’exécutent en groupe (souvent 12 danseurs), d’autres en duo ou encore en solo. Cette dernière, par exemple, se déroule au son de la guitare locale et a pour nom : Baile de mejorana del diablico. Pour les amateurs de folklore, on trouve ici une vidéo de cette danse. Une autre chorégraphie : el baile del diablico, s’exécute en groupe dans les défilés mais aussi dans les salles de fêtes et dans les restaurants et bars populaires de la ville. Elle se compose de huit figures successives. Pour les amateurs, voici une autre vidéo.

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   Ces Diablicos Sucios sont les grandes vedettes des manifestations folkloriques de la région de Los Santos mais également lors des défilés anniversaires de la capitale et leurs effigies sont omniprésentes dans les revues, guides et affiches d’agences de tourisme ou de location de voitures.

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(à suivre)

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Notes :

*1- nom espagnol donné à Bixa orellana, arbre ou arbuste des régions d'Amérique tropicale. Appelé en français le roucou. Pour en savoir plus : article de wikipedia. Nous avons déjà évoqué dans d’autres articles cette teinture utilisée par les indigènes.

*2- C’est en 1934 qu’un tailleur de la région de Chitré confectionnât le premier vêtement en utilisant des rubans de satin rouges et noirs cousus sur la combinaison des diablicos, ils devinrent propres mais leur nom est resté. De nos jours on utilise des tissus rayés, ce qui facilite beaucoup la réalisation du costume.

*3- La mejorana ou mejoranera est un instrument de musique à cinq cordes qui ressemble à la guitare. Il est utilisé dans le folklore traditionnel du Panama. On utilise différents bois exotiques pour le réaliser à l’aide de ciseaux à bois. Par extension on appelle également mejorana un type de chansons et de danses typiques du Panama.

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