Extension du Canal de Panama - 1/ Le projet d'un troisième jeu d'écluses
Au cours de l’année 2006, l’Autorité du Canal de Panama (sigle A.C.P.) propose au gouvernement en place à l’époque de la présidence de Martin Torrijos*1 la construction d’un troisième jeu d’écluses. La direction de l’A.C.P. prenait en compte la prévision d’une saturation du trafic au plus tard entre 2015 et 2020. Etait également pris en considération le fait que le Canal venait de rapporter à l’état plus d’argent en 6 ans d’exploitation par le Panama*2 (2 milliards 277 millions de $) que durant les 85 ans d’exploitation par les USA (1 milliard 877 millions de $).
Le projet présenté prévoit:
La construction de deux jeux d’écluses à trois niveaux chacun utilisant des bassins de récupération par gravité de 60% de l’eau éclusée*3, l’un côté Atlantique, l’autre côté Pacifique. Fait également partie du projet un programme d’élargissement et d’approfondissement des voies de navigation existantes sur le Lac Gatun, en particulier la Tranchée Gaillard (appelée aussi Corte Culebra). Enfin seront creusées les voies d’accès entre océans et nouveaux jeux d’écluses. Le futur canal d’accès creusé en terre ferme pour relier le Pacifique et le Corte Culebra aura 6,1 km de long.
L’article 325 de la Constitution de la République du Panama prévoit que toute modification importante du Canal doit être approuvée par le Parlement avant de faire l’objet d’un référendum pour que le peuple puisse entériner ou repousser le projet. Le 17 juillet 2006, les députés promulguent la loi nº 28 qui définit le projet, répond aux questions qui peuvent se poser sur les plans techniques ou financiers et garantit le respect des engagements pris par l’A.C.P. La date du référendum est fixée au 22 octobre 2006.
Durant la campagne électorale les deux camps présenteront leurs arguments. La totalité de la classe politique, qui bien sûr prône le OUI, met en exergue l’accroissement du développement économique du pays, insistant sur tous les avantages qu’en tirera la population. Le schéma décrit pouvant se résumer à l’équation suivante : trafic du Canal multiplié = plus d’argent pour l’état = plus d’écoles, plus d’hôpitaux, de routes et d’emplois. En réponse, les syndicats d’ouvriers, principaux défenseurs du NON opposèrent un slogan lapidaire : "no más engaños", que l’on pourrait traduire par : assez de bobards (sous entendu l’argent continuera d’aller gonfler les poches des politiques et de l’oligarchie plutôt qu’être investi dans de nouveaux aménagements pouvant bénéficier au peuple panaméen).
Les organisations d’écologistes avaient un autre argument pour justifier leur opposition au projet : les eaux du Lac Gatun ne suffiront pas pour alimenter les écluses en fin de saisons sèches. Il faudra donc construire d’autres barrages, noyer encore des forêts primaires et déplacer des populations. L’ACP assura qu’il ne sera pas nécessaire de construire d’autres barrages. On utilisera des bassins de récupération d’eau (ballasts) lors des manœuvres d’éclusage, système déjà employé en Allemagne depuis plus d’un siècle, et l’on augmentera la capacité du lac Gatun par dragage et rehaussement de son niveau de 50 cm.
Le référendum se déroule à la date prévue, le résultat officiel indique les chiffres suivant : abstention 57%, votes OUI 76,83%, votes NON 21,76%
Le projet est adopté ! Place à la réalisation de ce projet pharaonique estimé à 5,3 milliards de dollars.
Notes:
*1- Martin Torrijos Espino, homme politique panaméen, est né à Panama le 18/07/1963. Le 2 mai 2004, il est élu président au suffrage universel à un tour avec 47% des voix. Il est le fils de l’ancien dictateur anti-impérialiste Omar Torrijos qui dirigeât le pays entre 1968 et 1978, signataire des accords Torrijos-Carter.
*2- Suite aux accords dits Torrijos-Carter, du nom des deux présidents qui ont signé ce traité, le 7 septembre 1977, les Américains se retireront du pays le 31 décembre 1999, passant le relais de l’exploitation du Canal aux Panaméens.
*3- Ce système adopté fera l’objet d’un prochain article explicatif.
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