Folklore traditionnel du Panama, Le Festival del Manito de Ocú (2)
Dès que les juste-mariés, blottis entre cheval et parapluie, se sentent bien en selle pour affronter l’avenir, le joyeux cortège se dirige vers la rue principale, débordante d’une foule mouvante et bigarrée. Il va falloir s’y frayer un sentier pour arriver à bon port. La prochaine escale les attend à l’autre bout de la ville, dans le parc des expositions. Là-bas, ils abandonneront le balancement un peu rêche proposé par le pourtant très sage équidé pour adopter celui, plus douillé, du hamac tendu sur la scène du théâtre en plein air. Ils y viendront pour présider confortablement les festivités qui leur seront dédiées. Immobile pour le moment, la balançoire caraïbienne, objet de tant de siestes quotidiennement convoitées, doit être impatiente d’accueillir les augustes fessiers dont elle fera provisoirement des siamois. Mais nous n’en sommes pas là.
La reine, sa couronne et sa belle jupe déployée en ailes de papillon, suivie de tout aussi belles "polleras" accompagnées de leurs "montunos" ouvre la route à la joyeuse troupe. La foule s’écarte, cortège royal oblige, mais se dispense de britanniques ou d’espagnoles révérences. Sur les gracieux talons des polleras, le groupe musical, "mejoranas"*1, accordéons et tambours africains, donne le rythme au matrimonial défilé.
Un groupe de couples en tenue de fête des paysans de la région danse et chante. Les semelles des sandales tressées des hommes claquent le cuir à l’unisson sur le bitume résigné déjà porté au rouge.
Voici pour moi l’occasion de poursuivre ici la série de descriptions des principaux vêtements traditionnels du Panama*2. Nous parlons de la tenue la plus ancienne des descendants des colons espagnols de la région de Ocú, la montuna ocueña (pour la femme) et le montuno (pour l’homme).
La montuna ocueña : Blouse à deux volants (arandelas) bordés généralement de dentelle Valencienne. Autour de l’encolure deux rangées de trou-trou séparés par un entre-deux de dentelle (ou parfois de guipure) dans lesquelles passent des laines de la même couleur que la jupe. Ces laines se terminent devant et derrière par des nœuds en forme de pompons. La jupe de coton (chintz) comporte trois volants séparés par deux ou trois lignes blanches. Le chapeau est un blanquito (appelé aussi ocueño)*3 avec ou sans cordon noir. Deux longues tresses descendent dans le dos, nouées en bout avec la même laine que celle utilisée pour la blouse.
Piqués dans les cheveux, près des oreilles, deux boutons de fleurs en tissu, sur la poitrine une ou deux chaines en or, des colliers de graines dites "larmes de St Pierre"*4 et un tour du cou de satin noir portant un bijou en or*5 complètent la tenue. La dame porte également une mantille pliée sur l’épaule, un mouchoir brodé passé dans la ceinture qui descend d’un côté sur le haut de la jupe et, en bandoulière, une aumônière faite au crochet.
Le montuno: Chemise (cotona) et pantalon court (chingo) de cotonnade blanche. La chemise, au col ouvert et manches longues et amples se termine par des franges (flecos) réalisées avec le tissu effiloché. Le travail de broderie au point de croix utilise les couleurs traditionnelles*6 qui sont : le rouge, le bleu, le jaune et le blanc, on appelle ce travail l’espigueta. Les dessins géométriques sont inspirés de signes indigènes. Le chapeau est également un blanquito. Chaussé de sandales de cuir tressé (cutarras), le montuno porte à la main sa courte machette (peinilla) et son fouet. En bandoulière ou sous le bras, il n’a pas oublié sa tabatière (chuspa) ainsi que son sac fourretout réalisé au crochet.
Le groupe va danser, tantôt en cercle, tantôt en rangs, hommes et femmes face à face, tout en suivant le long cheminement du défilé qui touchera au but une heure plus tard.
A suivre
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Notes :
*1- la petite guitare locale à 5 cordes
*2- nous avons déjà évoqué ici le vêtement traditionnel des femmes kunas
*3- voir ici l’article sur les chapeaux "pintaos"
*4- graines de la plante tomila (Coix lacryma-jobi)
*5- cet accessoire est appelé "tapahueso" (trad. cache l’os), en fait le bijou doit cacher la fossette sus-sternale.
*6- ce sont les couleurs de la Colombie, ceci nous rappelle que le Panama n’est séparé de ce pays que depuis 1903, les vêtements traditionnels sont bien plus anciens.