Balade aérienne aux îles San Blas de Kuna Yala (2ème partie)

Publié le par Michel Lecumberry

   - Ici le Commandant de bord, nous allons reprendre notre altitude de croisière et volerons à 2000 pieds à la vitesse de 80 miles par heure. Nous atteindrons notre prochaine destination de survol, le Golfe de San Blas, dans 15 minutes environ.

   Georges, qui a fait construire son objet volant identifié (immatriculé AL 71) dans un chantier d’aéronautique de Colombie, est à juste titre fier de sa monture. Au moment de modifier sa vitesse, il me précise : "je peux changer le pas de l’hélice en vol…". Et j’ai même droit aux explications techniques, en écoutant une histoire de charbons ! N’allez surtout pas croire que la machine fonctionne comme une vieille locomotive et que nous allons en descendre noircis comme Gabin dans la Bête humaine. Il s’agit tout simplement des éléments essentiels d’un système électromécanique qui permet cette manœuvre digne des ainés de Milord.

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   Second hors d’œuvre de la journée, nous survolons maintenant ces petits bouts d’Afrique que les descendants des esclaves sont venus accrocher aux plages de la Costa Arriba de Colon*1. Défile à reculons le long chapelet de ces villages venus festonner le sable qui surligne ce morceau de côte sud de la Mer des Caraïbes. L’eau turquoise, enguirlandée de vaguelettes levées par les récifs de coraux affleurant, vient parfois lécher les cocotiers pour leur suggérer de beaux voyages maritimes. Nous survolons Viento Frío, Palenque, Miramar, Playa Chiquita et la dernière, Santa Isabel, bordée à l’ouest par le Río Indio dernier rempart de défense de Kuna Yala*2.

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   Sachant qu’aucun des recoins de ce fabuleux archipel de 365 îles et îlots ne m’est inconnu, le pilote fort aimablement me demande : par où veux-tu commencer ?

   Ce n’est pas pour donner libre cours à mon esprit de contradiction, mais je lui indique un des rares villages perdus dans la forêt du continent.

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   Mandiyala, coincé à la  confluence des Ríos Mandinga et Cangandi, me semble tout indiqué puisque tout près du fond du golfe de San Blas*3. Ce sera le point de départ de ces deux heures d’un spectacle inoubliable.

   Notre erratique survol d’îles, habitées ou pas, parcourt maintenant le golfe en direction du nord pour n’en rien oublier, tout en nous rapprochant de El Porvenir.

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   L’équipage a prévu une escale technique, il fera certainement soif. Cette île, "capitale administrative" de l’ouest de Kuna Yala, compte en tout et pour tout, en dehors du terrain d’atterrissage et de sa tour de contrôle, deux hôtels, un petit musée et un bâtiment abritant les trois ou quatre fonctionnaires de service. D’ailleurs, deux jeunes policiers, une et un kunas, en treillis de camouflage et bottes rangers, s’approchent. Ils nous demandent très courtoisement de décliner nos identités. Petit papotage avec eux puis, amicalement, ils prendront la photo de l’équipage au complet planté devant Milord qui se repose. Celui-ci, près de la tour de contrôle, doit se sentir aussi important qu’un Airbus 320 bien rangé en bas de celle de Roissy. Faut dire qu’un escabeau devrait suffire à un kuna*4 pour gratouiller les moustiques collés par l’alizé sur la cage de verre de l’aiguilleur du ciel local.

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   Les soifs sont étanchées de jus de fruit. Retour à bord, bref roulage, point fixe et décollage du vaillant petit avion. La piste, bordée de cocotiers, est vite ponctuée en bout par le moutonnement du grand récif de corail. Lors du décollage des vols réguliers, sa faible longueur angoisse toujours un peu les passagers qui voient le bain forcé s’approcher à trop grands pas, cette fois elle me semblera dix fois trop longue. Commence alors la fabuleuse balade en survol des îles de l’ouest de l’archipel. Des vues à couper le souffle !

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   S’ajouteront à ce spectacle incroyablement coloré, tous ces souvenirs accumulés durant nos trois ans de navigations. Entre îles et récifs, entre rencontres avec des amis kunas et rencontres d’autres équipages, entre eaux cristallines et cieux embrasés des levers et couchers de soleil, de merveilleux slaloms ont laissé des traces indélébiles. Dans chacun des mouillages aimantés par des îlots de rêve, je revois Txango, le petit voilier blanc, flemmarder comme personne pour le plus grand bonheur de son équipage. Et comment ne pas penser à notre regretté Eder, le fidèle matelot à quatre pattes qui parfois abandonnait ses gambades sur le sable blanc pour aller se baigner avec Coco, espérant qu’un copain dauphin les rejoigne bien vite.

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   Revenu devant mon clavier, ces vues de survol et les émotions montées des îles San Blas me laissent encore sans voix. Je laisse donc à quelques images le soin de vous raconter la suite.

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   Le bébé-avion ne cesse de se restaurer, ses biberons sont avalés entre quatre et cinq heures et pas d’avion ravitailleur en vol pour nous permettre de continuer la balade. Le retour nous offrira la croisière du matin, à rebours cette fois. Autre éclairage, autres images. Portobelo sous le vrai soleil ponctuera le régal.

   Après avoir contacté par radio la tête d’épingle qui, dans sa prison vitrée, n’en revient pas d’avoir à aiguiller le troisième vol de sa journée, Milord me dépose doucement sur le tarmac toujours aussi peu aimable pour lui. Le voyage de retour en Diablo Rojo passera inaperçu, perdu que je reste au cœur de ces images qui colorent encore ma vue et ma mémoire.

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  Merci à Milord et à Georges, son brillant Commandant de bord. Nous nous retrouverons pour d’autres survols, c’est promis.

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Notes :

*1- La côte de la Mer des Caraïbes, est appelée ici Costa Arriba à l’est de Colon et Costa Abajo à son ouest. (Respectivement : Côte d’en haut et Côte d’en bas). Les voies de circulation, petites routes suivies de pistes, qui longent ces 2 côtes sont des culs-de-sac.

*2- Kuna Yala, territoire des Kunas qui défendent âprement leur autonomie (sol et sous-sol), ils en font respecter ses limites et interdisent toutes intrusions de routes. Toutefois, depuis 2 ans, une piste pour 4x4 relie la route transaméricaine et le littoral à hauteur des îles Carti.

*3- Ce golfe, situé à l’ouest de Kuna Yala a vu son nom répandu assez récemment par les voyageurs, en particulier les navigateurs,  pour le donner à l’archipel tout entier qui en fait s’appelle « Arquipélago de las Mulatas » (Archipel des Mulâtres).

*4- Je rappelle que les kunas sont en deuxième place juste au dessus des Pygmées pour ce qui concerne leur taille.

 

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