Festival des Diablos et Congos de Portobelo (3)
Depuis quelques semaines, cela a été dit et répété sur les radios, télés et journaux du pays, le 7 ème Festival des Diablos et Congos doit commencer cet après-midi vers 13heures. En prévision des difficultés de circulation, qu’à juste titre vous estimiez devoir rencontrer sur la petite route de Costa Arriba, vous êtes arrivés en milieu de matinée à Portobelo. De plus, je ne pense pas qu’un ami, fin connaisseur des us et coutumes du Panama, vous ait glissé dans le creux de l’oreille que rien ne commencera avant le retard habituel, lequel varie généralement entre une et deux heures suivant le genre de manifestation. Le grand parc, cerné aujourd’hui d’un grillage et de rangées de chaises, n’est occupé pour le moment que par l’imposant podium qui, adossé à la forêt, semble vouloir la contenir dans sa quête d’expansion perpétuelle. A part trois ou quatre ingénieurs du son réglant leurs balances, la scène et le parc sont désespérément vides.
C’est une chance ! Venez, je vais vous accompagner. Un brouhaha de chaude ambiance mêlé d’odeurs et fumées de barbecues a déjà envahi le village. Des divers recoins montent des conversations de tam-tams, des stridences de sifflets vrillant les tympans et des chants plus tout à fait encore à jeun.
- Il y a quelque chose comme un Festival Off alors ? Un peu de ça, mais plutôt une dispersion de multiples loges d’artistes en plein air où chacune et chacun peuvent s’échauffer à grands coups de rasades "arhumatisées" et de bourrades de retrouvailles chaleureuses.
Passons par la place, devant la Adouana Real. Encore à l’écart de la foule qui déjà s’agglutine, voici quelques connaissances, des copains discutent avec Nicanor Torres le fameux facteur de tambours local en quête de chalands. Pas encore en tenue trash les gars ? Point besoin d’explications verbales, les premières bouteilles pas vides, le plein d’inspiration pas fait, ils se transformeront en Congos plus tard !
Sur un des trois jolis petits ponts, abandonnés par les conquistadors en 1821, des masques de Diablos descendent des toits de voitures pour lézarder sur les vieilles pierres. Juste au coin de la ruelle au pavement irrégulier d’origine, Charlie un sympathique américain, lui aussi resté collé dans les environs, commence à tirer des portraits devant son fond vert digne de grands professionnels. Nous lui amèneront quelques gueules, ce n’est pas ce qui manque aujourd’hui…
Un peu plus loin, notre voisine Tanis, grande choriste Congo devant l’éternel, accueille sur sa terrasse deux groupes venus de Colon. Match amical d’échauffement. A l’ombre du bananier, une chanteuse répond de sa voix pleine et déchirante aux trois tambours qui l’entraînent vers le ciel. Celsa est aveugle mais en prise directe avec tout ce qui l’entoure, cet après-midi elle se détachera sans doute de sa chorale pour improviser une danse sur le podium. A moins de trois mètres de là, sous un abri démontable, gros calicot publicitaire d’une marque de bière, l’autre groupe renvoie comme en écho chants et percussions africaines décorés cette fois de danses syncopées.
Nous passons devant l’église, indifférente à la fête païenne du jour, elle regrette sûrement que son Cristo Negro ne soit plus le seul à attirer de telles foules à Portobelo. Au fil de la balade, nous allons rencontrer de plus en plus de Congos, véritables vitrines de brocanteurs ambulantes et de Diablos devant qui la foule craintive s’écarte. Ce petit monde converge, option "y’a pas l’feu à la baie" et respectant bien les stations multiples estampillées "débit de boisson" de leur chemin de croix, vers l’entrée des artistes. Côté jardin du podium un vaste espace ombragé, bien situé près des derniers arrêts du calvaire évoqué, leur est réservé. Les habilleurs ajustent les lourds masques sur les têtes encapuchonnées s’apprêtant à souffrir, les choristes mettent une touche finale à leur maquillage tandis que les Congos perfectionnent leur taux d’éthylisme. La station "vautré au sol" prévaut dans l’attente du premier appel du régisseur.
Le temps est passé sans ennui durant nos pérégrinations de recoins en recoins du village maintenant bondé. Déjà une heure et demi que cuisent au soleil spectateurs, reporters photographes et cameramen de télévisions dans l’attente du spectacle qui durera jusqu’à la nuit tombante.
Avant de pénétrer dans l’arène surchauffée où les groupes de Congos y Diablos vont se succéder, nous irons faire une balade photographique dans la grande loge des artistes. Sûrement que nous pourrons glaner quelques clichés intéressants.
En attendant, si vous voulez bien, encore deux-trois photos, pour la route…