Une découverte archéologique essentielle pour préciser l’origine des Amérindiens contemporains.
Mai 2007, près de Tulum au Mexique (Péninsule du Yucatan). Une équipe de plongeurs archéologues explorent depuis des semaines l’un des plus grands réseaux de rivières souterraines au monde. Un jour, au bout d’un boyau aquatique de plus d’un kilomètre, ils débouchent dans une grotte immergée à 40 mètres sous le niveau de la mer, ils la baptisent "Hoyo Negro", le Trou Noir.
La surprise est impressionnante, gisent là les restes de quelques 26 sortes de mammifères. Le choc est encore plus saisissant lorsqu’ils aperçoivent les ossements d’un être humain avec son crane portant encore des dents. "Quel choc, quand j'ai vu son crâne intact, avec ses dents et les orbites noires de ses yeux", dira l’un des plongeurs.
Les scientifiques vont rapidement identifier ces restes comme étant ceux d’une jeune femme de 15 à 16 ans. Ils la baptisent Naia, du nom d’une nymphe de la mythologique grecque.
On imagine que la jeune fille s’est tuée en tombant dans cette grotte. Durant la dernière période de glaciation, il y a une dizaine de milliers d’années, le niveau des océans se trouve à environ 120 mètres plus bas qu’actuellement. A la fin de cette ère glacière, la montée des eaux engloutira la grotte et préservera les restes découverts.
La datation au radiocarbone des ossements confirme l’hypothèse, il s’agit bien de l’époque correspondante à la culture Clovis, soit environ 13500 à 13000 ans BP*1
Pour mémoire, le site archéologique situé près de la ville de Clovis (Etat du Nouveau Mexique aux USA) a donné son nom à cette culture préhistorique paléo indienne. C’est là que furent découverts en 1932 les ossements d’un mammouth tué par des chasseurs utilisant des lances portant des pointes en pierre taillée. Quelques unes de ces pierres taillées se trouvaient près des restes de l’animal. Dans les années 50, le site fut daté à environ 11500 ans avant JC. Ce que l’on appelle désormais les "pointes Clovis" sont uniques en leur genre et bien particulières, en forme de feuille, bifaciales et présentant des cannelures. Ce qui suggère une invention locale. La ressemblance avec les pierres taillées solutréennes*2 présentes sur le vieux continent, donna lieu à une théorie selon laquelle la civilisation Clovis serait venue d’Europe. Mais l’étude du génome de Naia, permise par des prélèvements d’ADN sur la pulpe d’une de ses dents, confirmant les résultats d’une étude similaire pratiquée récemment sur les restes d’un enfant découvert dans le Montana*3, permet aux scientifiques d’écarter définitivement cette théorie.
L’équipe internationale et pluridisciplinaire qui a travaillé durant sept ans sur l’ensemble des restes découverts dans le "Hoyo Negro" vient de publier, le 16 mai, les conclusions de leurs recherches dans la revue nord-américaine Science. Les analyses d’ADN prélevés sur Naia indiquent que son origine génétique est asiatique et établissent définitivement le lien entre ces Paléo américains et les Amérindiens contemporains. Mme Pilar Luna Erreguerana, de l'Institut mexicain d'anthropologie, qui dirigeait ces recherches, a déclaré : "Cela prouve que les premiers occupants des Amériques sont venus de Sibérie en traversant la bande de terre reliant l'Asie et l'Alaska, aujourd'hui immergée sous le détroit de Béring".
Par ailleurs, nous attendons avec impatience le résultat des recherches qui ont lieu au Brésil, suite à la découverte de nombreux restes d’hominidés, dont le squelette complet de Luzia (son nom scientifique officiel: Hominidé 1 de Lapa Vermelha IV) découvert en 1975 dans la région de Minas Gerais. On parle ici de peuplements antérieurs (de 20 à 35ooo ans BP) d’origine d’Afrique ou d’Océanie…*4
Vidéo de la découverte de Naia publiée par National Geographic
Notes :
*1- BP, sigle signifiant "avant le présent", vient de l’anglais "before present"
*2- L’éperon calcaire appelé la Roche de Solutré, près de Mâcon (Saône-et-Loire), près duquel se trouve un important gisement archéologique, a donné son nom à cette culture lithique, le Solutréen.
*3- On a pu étudier l’ADN prélevés sur les restes d’un jeune garçon (baptisé Anzick 1) découvert dans le Montana et daté de 13000 ans BP. Les résultats ont été publiés le 13 février dernier dans la revue Nature. Son génome est aussi très proche de celui des Amérindiens contemporains.
*4- Ce squelette fut baptisé Luzia en référence à la découverte de 1974 en Afrique du squelette de Lucy par Yves Coppens et son équipe. Anthropologue et spécialiste de médecine légale, Richard Neves exécute en 1995 une reconstitution par tomographie informatique. Publiée en 1999, la physionomie reconstituée de Luzia est devenue célèbre. On note une réelle ressemblance avec des Africains ou des Aborigènes d’Australie.