Un chef Aztèque réclame aux Européens le remboursement de leur dette, savoureux et néanmoins impressionnant…

Publié le par Michel Lecumberry

   Me voici, moi, Guaipuru Cuauhtémoc, descendant des peuples qui ont habité l’Amérique il y a quarante mille ans. Je suis venu à la rencontre de ceux qui l’ont "découverte" il y a cinq cents ans. Mon frère douanier européen me réclame un papier écrit avec un visa pour pouvoir découvrir ceux qui m’ont découvert autrefois. Mon frère usurier européen me réclame le montant d’une dette contractée par Judas - quelqu’un, en vérité, que je n’ai jamais mandaté. Mon frère usurier européen m’explique que toute dette ses paye avec des intérêts, quand bien même il faudrait pour cela vendre des êtres humains et des pays entiers sans leur demander leur consentement.

 

   Mais moi aussi, je peux réclamer des intérêts. Les Archives des Indes font état, avec force papiers, force reçus et force signatures, de ce que 185 000 tonnes d’or et 16 millions de kilos d’argent sont arrivés à San Lúcar de Barrameda (Espagne) en provenance d’Amérique entre 1503 et 1660. Pillage ? Cela ne me viendrait pas à l’idée ! Ce serait penser que nos frères chrétiens ne respectent pas leur septième commandement. Spoliation ? Dieu me garde d’aller imaginer que les Européens, à l’image de Caïn, tuent, puis dissimulent le sang de leur frère. Génocide ? Ce serait là accorder du crédit à des calomniateurs comme Bartolomé de  Las Casas et tous ceux qui ont qualifié la rencontre de « destruction des Indes ».

   Non ! Ces 185 000 tonnes d’or et ces 16 millions de kilos d’argent doivent être considérés comme le premier  d’entre les divers prêts à l’amiable consentis par l’Amérique en faveur du développement de l’Europe. Penser le contraire reviendrait à établir l’existence de crimes de guerre, ce qui ouvrirait un droit à exiger non seulement le remboursement immédiat, mais même une indemnisation pour dommages et préjudices. Moi, Guaipuru Cuauhtémoc, je préfère croire en l’hypothèse la moins offensante pour mes frères européens. Des exportations de capitaux aussi fabuleuses n’ont été rien d’autre que la mise en place d’un plan Marshall-tezuma pour garantir la reconstruction de la barbare Europe ruinée par ses guerres déplorables contre les musulmans cultivés, défenseurs de l’algèbre, de l’architecture et du bain quotidien.

   L’affirmation de Milton Friedman selon laquelle une économie assistée ne pourra jamais fonctionner nous oblige à réclamer aux Européens – pour leur propre bien – le paiement du capital et des intérêts.

   Il est bien clair, toutefois, que nous ne nous abaisserons pas à réclamer à nos frères européens les taux - odieux et cruels – de 20% et jusqu’à 30% que nos frères européens font payer aux peuples du tiers-monde. Nous nous limiterons à exiger la restitution des métaux précieux avancés, plus un modique intérêt fixe de 10% par an, intérêts appliqués sur les trois cents dernières années. Sur cette base, et en application de la formule européenne de l’intérêt composé, nous informons nos découvreurs qu’ils ne nous doivent, en guise de premier paiement, que 185 000 tonnes d’or et 16 millions de kilos d’argent, quantités multipliées par 110% trois cents fois de suite. C'est-à-dire un peu moins de 500 000 milliards de tonnes d’or et à peine 40 millions de milliards de tonnes d’argent.

 

 

Extrait de "CARTA A LAS IGLESIAS" – San Salvador

Traduit et publié par la Diffusion de l’information sur l’Amérique latine (DIAL), Lyon.

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