Le 5 mars prochain, les Diablos de Portobelo, la lutte du Bien contre le Mal

Publié le par Michel Lecumberry

    A pareille époque, l’an dernier, des articles de ce blog étaient consacrés aux Congos de la côte atlantique du Panama. Restait à évoquer un personnage très important et très haut en couleur de ces groupes qui, en période de Carnaval, perpétuent depuis quatre siècles la tradition des "esclaves marron" : le Diablo !

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   L’origine du Diablo n’a pas été bien définie mais il semble que son apparition soit plus récente. Armé de son fouet, il représente en premier lieu le cruel maître espagnol mais aussi, à un degré moindre, l'esprit malin qui vole les âmes. Ils sont vêtus de costumes le plus souvent de couleur rouge vif et noir et portent un énorme masque confectionné pour effrayer.

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   A Portobelo, le mercredi des Cendres se déroule chaque année la fête des Diablos.

   Sur la place centrale, dès le milieu de l’après-midi, se rassemblent peu à peu des Congos vêtus de leurs costumes extravagants. Dans leurs attitudes provocatrices, ils font les clowns. Sur un côté, un groupe de musique, composé de quatre tambours, d’une soliste et d’un chœur de femmes, incite les danseurs congos à faire assaut de séduction.

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   Plus loin, se préparent d’autres personnages de l’événement qui attire depuis quelques années un nombre chaque fois plus important de spectateurs, ce sont les Anges. Au nombre de six à huit, vêtus et coiffés de blanc ils s’amarrent les uns aux autres avec une corde pour défendre les Congos (les esclaves) face aux Diablos (les maîtres). De blanc vêtus aussi, deux "prêtres" se munissent d’une croix pour l’un et d’un rameau accompagné de son fond de bouteille d’eau pour l’autre. Au pied d’une estrade, ils se mettent en condition  pour leur très sérieuse mission en buvant quelques rasades du rhum local.

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   Précédés de clameurs de la foule, mi-effrayées, mi-admiratives, les Diablos, stars incontestées de l’événement, entrent dans l’arène un à un, de façon sporadique. Les fouets commencent à claquer !

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   Pour les courageux, le jeu consiste à venir défier les Diablos. Il faudra sauter au bon moment pour éviter la cruelle lanière qui vise les jambes, tout en surveillant ses arrières car les sataniques fouetteurs courent en tous sens sur le grand ring. Les attaques sont parfois violentes, jeunes et moins jeunes subissent quelques obscurs règlements de comptes. Avisés, les Congos sont doublement prudents, jambes protégées d’un pantalon de grosse toile délabrée, ils n’attendent pas l’application externe d’alcool pour soulager les plaies, l’anesthésie se fait préventivement par voie buccale. Les doses sont peut-être homéopathiques mais répétées plusieurs fois par heure… ou par quart d’heure, plutôt.

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   Quelques spectateurs vont se risquer sur l’aire de jeu, histoire de prendre la photo de l’année, le prix à payer est parfois cuisant, surtout si le bermuda à été préféré au bon vieux blue-jean pour affronter le soleil de cette fin d’après-midi, chaude en tous points.

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   Le cortège d’Anges s’est mis en mouvement. C’est bon-enfant, on court mollement, la fatigue anticipée peut-être… et puis, il ne faut pas trop vite "tuer le spectacle". Le but de cette "course" consiste à capturer un Diablo en l’entourant de ce cordon sanitaire et purificateur pour le conduire sur l’estrade. Au passage, le prisonnier doit aller chercher dans la foule une "marraine", pas toujours consentante, qui l’accompagnera durant ses derniers moments de Diablo.

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   Monté sur l’échafaud sacré il va effectuer violemment ses dernières gesticulations sataniques avant que le prêtre, imperturbable et rigolard, après moult imprécations ne l’asperge de son eau baptismale. L’exorcisé se doit d’ôter son masque et d’abandonner son fouet.

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   Des anciens du village m’ont raconté qu’autrefois le Diablo déchu était amené par les Anges vers une maison pour y être "vendu" en échange de quelques œufs. De nos jours, la présence de spectateurs a entraîné une évolution de cet événement. D’une part il y a beaucoup plus de Diablos, certains venant d’autres communautés des environs et beaucoup d’entre eux recommencent à courir et à fouetter après leur passage sur l'estrade. Si autrefois le jeu s’arrêtait faute de malins à exorciser, aujourd’hui c’est la nuit qui indique que la fête s’achève.

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   A Portobelo, tous les deux ans au mois de mars, a lieu le "Festival de Diablos y Congos". Toutes les communautés congos de la côte atlantique viennent participer à cet événement durant lequel des centaines de Diablos viennent rivaliser dans une recherche d’originalité des costumes et des chorégraphies. Ce spectacle haut en couleur attire des milliers de spectateurs venus de tout le pays. 

 

 

 

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