Le "Festival Nacional de la Pollera" de Las Tablas, province de Los Santos- Panama

  La loi panaméenne nº 50 du 24 novembre 1961 décrète que le 22 juillet de chaque année sera "Día Nacional de la Pollera" (Jour National de la Pollera)*1. Cette importante manifestation se déroule dans la ville de Las Tablas (Province de Los Santos) pour rendre hommage au vêtement traditionnel féminin du Panama dans ses différentes variations. Toutefois, elle suscite régulièrement une polémique dans d'autres provinces du pays car le comité organisateur n'admet pas la représentation de polleras autres que celles de Los Santos. On peut lire, dans les articles déjà consacrés à ce vêtement, qu'il en existe des variations significatives, par exemple sur la côte Atlantique*2 ou encore dans le Darien. Mais, pour le moment, les organisateurs maintiennent que seules les polleras santeñas méritent l'appellation de vêtement national.

  Il est vrai que cette manifestation folklorique populaire se déroule depuis 1957  et que ses créateurs*3 voulaient ainsi rendre hommage à un groupe d'artisanes régionales, en particulier à des brodeuses exceptionnelles. Ils souhaitaient perpétuer ce savoir faire qui s'exprime surtout dans l'élaboration de la pollera de gala et de la pollera montuna. La date du 22 juillet a été retenue en référence à une fête locale qui remonte à l'époque de la colonisation espagnole, laquelle s'appelait le "Día Sereno"*4. Ce jour là, les habitantes de Las Tablas (les Tableñas) arboraient leurs plus belles polleras, celle dite de gala pour les plus riches et les montunas pour les autres. On assistait, ainsi vêtu, à la corrida qui se déroulait sur la Plaza Praga, la place centrale, et par la suite aux festivités de musique et de danses qui se prolongeaient durant la nuit.

  Le concours, organisé par le Lions Club de Las Tablas et par le Comité des Fêtes Patronales, se déroule dans le gymnase-auditorium de la ville. Il reçoit une aide de l'Etat de 10 000 dollars, fixée par la Loi nº 52 du 20 juillet 1998. A la grande joie de tous, un des organisateurs annonça au cours de la manifestation de lundi dernier que ce montant allait passer à 25 000 dollars et que des sponsors s'engageaient à construire un bâtiment à la mesure du succès populaire de l'évènement. Il faut dire que beaucoup d'amateurs n'ont pas pu pénétrer dans l'enceinte pleine à craquer.

  Venir assister à ce concours 2013 était pour moi l'occasion rêvée pour compléter la série d'articles consacrés à ce vêtement devenu un des symboles du Panama à l'étranger. Les portes se sont ouvertes vers 13 heures, toutes les places assises du grand auditorium étaient numérotées et ces fauteuils comblaient tout l'espace laissé libre par le long podium, façon passerelle de défilé de mode. Un beau décor surplombe la longue table des jurés: des indigènes, arcs bandés, flèches menaçantes, tentent de résister aux conquistadors blindés d'armures rutilantes au cœur d'une jungle luxuriante. Tout un programme…

  De part et d'autre de la passerelle, deux rangées de fauteuils sont réservés aux "empolleradas"*5 qui vont défiler. Bel alignement de tembleques. Dans l'attente de l'appel de leur nom, certaines, détendues, gardent leur plus beau sourire, d'autres, plus crispées semblent s'inquiéter un peu. Le spectacle promet d'être haut en couleurs!

  Les polleras sont classées en cinq catégories et vont défiler une à une devant un jury de douze personnes assises en bout de la scène. Les jurés, en quatre groupes, sont répartis par notes à attribuer: qualité de réalisation du vêtement, aspect de l'ensemble, grâce et allure de la présentation et coiffure.

  Le programme de l'ensemble des festivités de cette semaine particulière de Las Tablas, consacrées en particulier à Santa Librada*6, indique textuellement: "Ouverture du Concours National de la Pollera 2013, à 14 heures, avec l'entrée triomphale et grandiose de S.R.M. Susana Matilde Mora Arias*7, la Reine Nationale de la Pollera 2013".

  Avec un retard de deux heures, que l'on peut qualifier de "moyen" et d'acceptable pour toute manifestation folklorique (ou pas…) dans le pays, l'événement débute par l'entrée solennelle de son Altesse Royale qui va présider le concours, là-haut perchée dans la jungle de carton-pâte.

A suivre

Notes:

*1- voir série d'articles concernant la pollera

*2- article sur la pollera conga

*3- crée par H.D. Demetrio Decerega et réalisé par le Professeur Sergio Pérez y Vásquez (Membre du Lions Club de Las Tablas)

*4- "Jour Serein"

*5- mot à mot: "enjupées" (français littéraire), femme vêtue d'une pollera

Regarde-la ta quille à la mer en allée
La marée de tantôt te l'a tout enjupée
Les bateaux comme les filles ça fait bien du chiqué
Mais quand on s´fout à l´eau faut savoir naviguer

     Léo Ferré. Les étrangers (extrait)

*6- Santa Librada, Vierge et Martyre, Sainte patronne de Las Tablas

*7- (en gras dans le texte) Cette jeune femme de 16 ans à été choisie pour être la Reine des Polleras 2013. Elle est présente dans toutes les manifestations folkloriques d'importance du pays et représente parfois le Panama à l'étranger, elle s'est déjà rendue en Asie et va par exemple se rendre à New York en octobre à l'occasion du Défilé du Jour de l'Hispanité.

Santa Librada, de retour dans l'église après la procession nocturne du vendredi