La fête du Corpus Christi à La Villa de Los Santos (2) l'Archange St Michel fait le job
L’heure de la messe approche, laissons nos tisseurs de tapis fleuris à leurs fébriles fignolages et gagnons l’entrée de l’église en passant par le chemin des écoliers. Nous allons ainsi tomber, dans les petites rues voisines, sur d’autres participants tout aussi affairés. Descendant de voitures ou devant la porte du siège de leur association, les "Danzas" mettent la dernière main à leurs déguisements. Ce sera l’occasion de constater qu’ils n’y a que des hommes, jeunes ou adultes, qui participeront aujourd’hui à la fête, même lorsqu’il s’agit de personnages féminins. Réminiscences d’un temps ou seuls les hommes, parfois travestis en femmes, pouvaient monter sur les planches théâtrales ?
La foule commence à garnir la grande église et ses abords. Il est temps d’aller se faufiler pour trouver un petit coin pas trop loin de l’entrée. Devant ton aspect "venu d’ailleurs", le panaméen en général et les services d’ordres en particulier sont plutôt du style bon enfant. Appareil photo et badge bricolé, ajoutés à de sincères sourires miens, seront d’efficaces coupe-files. Au coin d'une marche de l'escalier du parvis, le poste obtenu façon "système D" sera exigu, pas très confortable mais en prise directe pour assister à l’arrivée des "danzas".
Le premier qui arrive, accompagné de son ange gardien, et bien c’est l’Archange Saint Michel, le héros du jour, grand défenseur du Bien. Armé de son épée il monte fièrement les marches pour se camper face à la rue, pressentant qu’il y aura bien quelque Diable pour venir troubler la fête. En fait, il baigne un peu trop dans sa béatitude le tombeur de dragons, des Diables il va bientôt en pleuvoir comme à Gravelotte. Je ne veux pas être mauvaise langue, mais la première personne qui se présente à l’angle de la rue c’est l’Evêque en personne, entouré de ses propres anges-gardiens.
Du calme Saint Michel, rentre l’épée au fourreau pour un instant. Le temps que le Monsignore fasse remettre un peu d’ordre à sa tenue par son grand chambellan, prenne garde de ne pas s’empêtrer les pinceaux dans les pans de sa soutane d’apparat et grimpe pour prendre place derrière toi. Avec sa crosse il pourra te seconder en cas de besoin.
Aie, aie, aie ! Le grondement de la foule massée sur les trottoirs n’a rien de rassurant. Précédés du Diablo Mayor, leur chef, les voilà qui déboulent du dernier virage. Habits noirs rehaussés de rubans et foulards de couleurs vives pendus à la ceinture, gilet à parements dorés, avec dans le dos des ailes style chauve-souris en résille noire ornées de petits miroirs et, couronnant le tout, le masque effrayant de diable à figure humaine*, ce sont les Diablicos Limpios * ou Grandiablos. Menaçants, ils veulent accéder à l’église.
L’Archange, courageusement, s’interpose, brandit l’épée. Avance vers le Diablo Mayor qui le défie. Chacun expose verbalement son point de vue, le Bien contre le Mal. Le ton monte, les menaces fusent. Les Diables grondent, brandissent les cannes. Finalement, le sang ne coulera pas. Evitée par la négociation, qu’elle sera la guerre, belle leçon de diplomatie… La scénette se termine par le succès de l’Archange. Les Diablicos font allégeance, doivent se découvrir le visage, on les voit un tantinet penauds, mais bon, il faut bien qu’ils comprennent, non ? Il s’agit de rentrer dans l’église tout de même…
Le Monseigneur, rassuré par la capitulation de la diablesque bande, attrape le micro, donne pour aujourd’hui son autorisation aux Danzas de pénétrer dans son église et s’en explique en quelques mots adressés à la foule. La Danza des Diablicos Limpios, masques dévissés sur le côté de la tête, rentre pour participer à la messe. Elle donnera l’exemple aux huit autres Danzas qui, dans la foulée, vont défiler sur les marches du parvis.
Notes :
*1- Il y a des villes où les masques des Diablicos Limpios sont zoomorphes.
*2- Traduction : Diables Propres. Par opposition à l’autre personnage de la Danza des Diablicos Sucios (Diables Sales) qui seront évoqués dans le prochain article.