Festival des Diablos y Congos de Portobelo (4)
L’heure approche! Point besoin de montre, la foule déborde de partout. L’entonnoir de barrières amovibles est colmaté, la fluidité des spectateurs congelée à l’entrée du futur champ de bataille luciférien. A moins de se la jouer façon boule de bowling dans un jeu de quilles, plus moyen de s’approcher. Les jeux sont faits, les heureux détenteurs de places assises ou des premiers rangs debout ne lâcheront pas prise. Reste aux retardataires le spectacle des rues où, avant et après leurs prestations endiablées, les nombreux participants du festival vont déambuler. Si c’est après, sûrement que la déambulation sera plus chaloupée, fatigue et carburants divers…
Le badge, estampillé "PRENSA", qui brinqueballe pendu à mon cou depuis ce matin, va devoir sortir de sa sieste. L’entrée des artistes, la loge en plein air et les abords du ring et de son podium, voilà le programme que je lui propose. Chouette ! Il est d’accord. Sympa, il m’accorde même l’autorisation de partager, raisonnablement s’entend, un petit arrêt au comptoir de la dernière station du chemin de croix Congo. La chaleur, la vraie, vous savez ce que c’est... Plus seulement la première gorgée de bière, si joliment évoquée par Philippe Delerm, mais la canette entière, jusqu’à la dernière goutte, qui vous procure l’intense plaisir. Mes amis Congos, en grande tenue foutoir-brocanteur, arrivent, fin prêts. Manque peut-être un zeste de préparation, encore deux-trois rhums, oups un mot a dû sauter hors le texte, je voulais dire deux-trois fiasques de rhum… mais ils m’assurent qu’après ça ils vont assurer. Le badge me glisse à l’oreille: paie-leur une bière et avance ! Si ce n’est pas un ange gardien ça…
Direction la loge, le terrain d’échauffement serait plus exact.
Comment vous décrire l’indescriptible, le magma ici présent. Une lave bouillante et bigarrée se prépare à l’éruption annoncée, heureusement le programme d’entrée en scène va canaliser ces désirs d’explosions en chaîne. Le Monsieur Loyal est déjà limite débordé. Pourtant le spectacle n’est pas encore commencé. Il faut attendre que les deux présentatrices, vedettes présumées (par moi) de quelque émission populaire d’un TF 1 panaméen, veuillent bien en terminer avec leur babillage, lequel commence à refroidir l’assemblée. Vous me direz, avec la chaleur qu’il fait…
Mais ici il y a danger, une demi-heure de plus d’échauffement et pour certains la station debout sera vraisemblablement compromise, quant à danser et chanter, ni pensar ! Le badge, lui, est ravi. Le rayon de soleil que son habit de plastique renvoie comme un laser guide infailliblement la lentille frontale de ma boite à souvenirs japonaise née en Chine. A gauche, à droite, en bas ou plus haut, il y a partout des pixels à entasser dans la mémoire, ça commence sûrement à se bousculer là-dedans, pareil à la foule voulant assister aux ébats diaboliques.
L’incroyable le dispute à l’irréel, le déraisonnable au comique. Que garder de ce cocktail explosif, de ce grand maelström turbulent. Pizzas refusant d’entrer dans un four à micro-ondes, des Diablos, aidés par leurs assistants, se faufilent à reculons dans leurs masques-étuves, d’autres font claquer leur fouet dans l’air porté au rouge comme pour le punir de son manque de compassion. Tandis qu’ici des joueurs de tambours accordent leurs violons avec les choristes, là un Roi, déjà fatigué par sa prestation future, fait un petit somme à l’ombre de la pollera de sa Reine. Les Congos, indifférents à la crise de croissance du mercure, cherchent encore quelques moyens pour gagner le degré d’alcoolémie manquant, surfer sur la vague limite, c’est leur challenge. Chalouper mais ne pas sombrer.
Ça y est ! Les chauffeuses de salle se rendent compte de l’état de cuisson avancé des spectateurs, elles vont libérer les pur-sang du délire. Enfin presque, il reste à présenter quelques huiles. Le Vice-président de la République arrive en personne et en dernier (effet de scène oblige…). Guidé par son poisson-pilote du jour, porteur d’eau à l’occasion, enrubanné de son singe préféré, le maire de Portobelo, ils gagnent les chaises étiquetées "V.I.P.". Là quelques gens importants (puisqu’ils le disent…) sont venus de la capitale, un petit coup de bouchon carbonisé sur les pommettes et hop, les voilà maquillés couleur locale.
A l’écart de ce show médiatique, modeste, mêlé à la foule, si vous êtes vraiment un fondu d’athlétisme vous le reconnaîtrez sur la photo (plus bas): Irving Saladino, champion olympique 2008 de saut en longueur. Les Congos l’ont "maquillé", il est un peu l’un des leurs, ses grands-parents nés à Portobelo y vivent toujours.
Ce coup ci, le badge me tire par la manche : - Hey ! Tu n’entends pas ? Faut y aller, les minettes ont appelé le premier groupe.
OK, allons-y. Ce sera la suite au prochain numéro. Si ce n’est ce n’est pas du suspens ça…
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Petit rab de photos:
Chaud dehors, mais chaud dedans aussi...
Le Pajarito, régisseur d'un jour
Entrée en scène dans deux minutes, deux!
De l'herbe et... de l'herbe
Un Roi sans divertissement, ça ne va pas durer...
Juan carlos Varela, Vice-président de la République. Ancien vice-président de la société Varela Hermanos, distillerie industrielle de liqueurs. Entre autre le "Seco Herrerano" et le Rhum Abuelo, les deux boissons alcoolisées privilégiées du peuple panaméen en fête (ou pas d'ailleurs...).
Monsieur Carlos Chavarría (si... si, maison neuve en basque...), maire de Portobelo
Irving Saladino, champion du monde 2007 et champion olympique 2008 de saut en longueur. Né non loin d'ici, à Colon, sa famille est de Portobelo. Nous avons tous pu juger de sa grande modestie et de sa débordante amabilité lorsqu'il est venu fêter sa médaille d'or olympique avec les habitants de Portobelo. Evénement national, c’est la première médaille d’or obtenue par le Panama dans l’histoire de l’athlétisme olympique. Si je retrouve les photos je ferai un petit article.