Camino Real de Panama, une balade à la découverte de ses vestiges (suite)

Publié le par Michel Lecumberry

  Lentement nous parcourons ce premier tronçon, d’autant que notre guide nous prouve qu’il est possible de trouver parfois quelques vieilles ferrailles coincées entre les dents disloquées du vieux chemin. Le porte bonheur exhibé vient à point pour exciter nos appétits de découvreurs, pourtant le paysage offert prend souvent le dessus, les regards se portent à l’envi sur cet environnement de douces collines, variations infinies de couleurs ocres, terres de Sienne et verts en dégradés. Passés de l’autre côté du mamelon, nous constatons qu’un bras du lac vient noyer le tracé royal, du moins pour une courte séquence "plongée sous-marine". En face, les pierres patinées en ressortent fièrement pour escalader le mamelon suivant.  Pas un seul téméraire pour les suivre sous l’eau, le groupe au complet remonte dans les pirogues qui sont venues nous attendre pour nous déposer au bord d’un autre doigt du lac, un peu plus éloigné.

cam-real3cam-real2      Le chemin qui s’y trouve ressemble à lui-même, mais la colline qui l’accueille ici arbore au sommet un lambeau de forêt. L’alignement de pierres chauffées à blanc, pas bête, se laisse attirer par cet espoir de fraicheur ombragée. Faisons de même. Juste avant d’atteindre l’escale rafraichissante, Christian nous fait découvrir un embranchement des empierrements jalousement caché par les herbes folles. Sur la droite, une branche semble partie pour contourner la colline, peut-être pour rejoindre de possibles habitations disparues, tandis que vers la gauche l’autre pénètre dans le sous-bois. Assis, comme étudiants dans un amphi désordonné, nous voilà buvant les paroles de notre conférencier débarrassé de son chapeau de paille locale. Il nous parlera de colons, de conquistadors, de trains de mules au dos couverts d’or et d’argent, d’attaques de pirates ou de corsaires sur le Camino Real et de l’histoire de cette voie qui fût modifiée lorsque Portobelo remplacera Nombre de Dios la trop fragile.

cam-real4cam-real5    L’heure du déjeuner approche, départ des pirogues vers un village, par là-bas perdu. Sur une langue de terre, autorisée par deux bras du lac, Tranquilla semble rescapé d’une noyade promise. Sur la grève, une chaleureuse haie d’habitants nous salue un à un, paroles de bienvenue, accueil amical et très hospitalier. Tout en conversant, nous sommes accompagnés vers un petit préau abritant, face à une table étroite et un peu haute, des rangées de bancs patinés. Sagement assis comme rangs d’oignons, assiettes sur les genoux, nous dégustons un succulent riz aux coquillages prélevé dans le chaudron noirci posé sur la table aux longs pieds qui nous fait face. Il y a là aussi de délicieux et glacés jus de fruits exotiques offerts par les jardins locaux. Une amicale communion gastronomique en quelque sorte, car en fait nous mangeons dans l’église paroissiale…

cam-real8    Raclés les derniers grains de riz, nous sommes conviés à un dessert aussi impromptu qu’imprévu. Direction un autre petit préau. Les enfants du village nous ont préparé un spectacle de danses traditionnelles. Costumes typiques et chorégraphies au cordeau, les applaudissements et rappels donnent la preuve, s’il en était besoin, du plaisir que nous avons pris à ce spectacle plein de fraîcheur et de spontanéité. Hélas, trop vite, il nous faut repartir vers notre périple programmé. A regrets nous regagnons nos pirogues, accompagnés par ces villageois qui viennent de partager avec nous bien plus qu’un repas. Personnellement tellement frustré de n’avoir pas eu davantage de temps pour converser avec ces hôtes si chaleureux et de pouvoir partager encore d’autres moments d’amitié tranquille, je me suis promis de retourner très prochainement à Tranquilla, le petit village perdu au bout du lac, près des vestiges du Camino Real, histoire de passer avec eux deux ou trois jours hors du bruit et de la fureur.

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cam-real10   Le programme de l’après-midi nous propose d’aller découvrir grottes et abris rocheux situés tout près de la route muletière. Courte balade en pirogue et nous pénétrons dans la forêt que vient lécher le lac. Je retrouve les plaisirs de ces sentiers courant dans la jungle, odeurs humides, musique des bruits et chants d’oiseaux. Et ces arbres, ces arbres… Grandes colonnes cathédralesques, chargées de lianes, d’orchidées et de broméliacées odorantes. Refuges d’un univers de vies invisibles au voyageur trop pressé. Une grotte offre bientôt son invitation souterraine toujours un peu inquiétante. Par petit groupes de cinq ou six nous visitons l’antre qui doit se souvenir de réunions anciennes. Peuples précolombiens ou muletiers espagnols s’abritant de quelque orage auprès d’un maigre un feu rendant lueurs à leurs regards fatigués. Peut-être que le soir venu, les parois ruisselantes de calcaire figé raisonnent encore de leurs conversations feutrées, à demi mangées par le fond sonore de la forêt. Un bivouac ici, avec deux ou trois copains nous en dirait sûrement plus. Une prochaine fois peut-être.

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   Non loin de là, un autre abri naturel se montre plus agréable aux claustrophobes. Deux parois rocheuses, face à face, s’inclinent avec respect l’une vers l’autre faisant mine d’ignorer un arbre bien impertinent voulant jouer les arbitres. Bien que des recherches archéologiques n’aient pas mis à jour les preuves de présence anciennes*, il est certain qu’ici aussi se réfugiaient des indigènes traversant l’isthme sur des sentes qui inspirèrent les traceurs du Camino Real.
  Pour rejoindre les pirogues, nous traverserons un champ de sable éclaboussé de pierres calcaires où se cachent à peine des tessons de céramiques précolombiennes. Le temps de retourner vers un présent plus turbulent s’avance, plus trop le loisir de fouiner. Je me rattraperai avec l’ami Christophe, accompagné de son inséparable parapluie, au cours d’une autre balade prévue, dans quelques jours, sur les traces de sites précolombiens en voie de mise en évidence. Mais ça c’est pour un futur récit.

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    Notre journée s’achèvera par une belle navigation sur le lac pour rejoindre Nuevo Vigía. Il nous restait à remercier notre excellent et sympathique guide. Christian nous a permis de passer cette plus qu’intéressante et agréable journée à la découverte des vestiges du Camino Real. Grâce à lui, nos pas, pour un instant, ont foulé ce petit bout de la longue histoire du Panama.

Note:
* Le sol rocheux affleure, pas de terre ou de sédiments pouvant garder des traces ou vestiges de vie.

 

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Jeunes villageois de Tranquilla

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