Artisanat traditionnel du Panama, les vanneries des Amérindiens Wounaan et Embera par Margo Callaghan (art. 2)

Publié le par Margo Callaghan

Femmes Embera du Panama travaillant sur leurs vanneries
Deux jeunes femmes Embera travaillent sur leurs vanneries

  Les couleurs des HÖSIG DI

  Les colorants sont tous naturels et proviennent de fruits, feuilles, copeaux de bois, racines, boue, cendres, et autres produits naturels trouvés dans la forêt tropicale humide. L'intensité de la couleur varie selon le temps pendant lequel les fibres de chunga ont mariné dans le colorant. Différents artistes ont des recettes différentes pour adoucir leurs couleurs ou mélanger les teintures; plus ils testent de nouveaux matériaux de teinture, plus le spectre des couleurs disponibles s'élargit. Les fibres peuvent être colorées à nouveau avec d'autres couleurs (par exemple une fibre jaune teinte ensuite en bleu donne un fil vert), enterrées dans le sol, placées dans des cendres, ou encore lavées au savon pour produire la teinture désirée.

  Les couleurs traditionnelles

  Les couleurs traditionnelles des hösig di sont le blanc, le noir et le rouge.

  Le blanc est la couleur naturelle de la tendre fibre de la feuille de chunga une fois qu'elle a été pelée de son épiderme, rincée à l'eau de pluie et séchée au soleil. Aucune teinture n'est nécessaire.

Vanneries traditionnelles des femmes Embera et Wounaan du Panama
Belles vanneries des Amérindiennes du Panama dans une boutique spécialisée.

  Le noir provient de la cuisson des fibres blanches dans de l’eau contenant des copeaux de bois de cocobolo. Les fibres sont ensuite enfouies dans du terreau noir, tierra negrita, à laquelle on a ajouté assez d'eau pour en faire une boue. Le tanin, qui provient de la décomposition des substances végétales (comme les feuilles mortes) dans le terreau, est l'élément actif qui colore les fibres. On peut aussi obtenir du noir en les plongeant dans le jus de jagua * et en les enterrant ensuite dans de la boue noire.

  Le jus incolore de jagua,  extrait en pressant la pulpe du fruit, s'oxyde quand il est exposé à l'air, un peu comme cela se produit dans son utilisation pour les tatouages temporaires. Tout ce qu'il touche devient bleu-noir indigo. Enterrer dans de la boue noire les fibres trempées dans le jus de jagua intensifie la couleur et les rend brillantes.

Vannerie traditionnelle des Amérindiennes Wounaan et Embera du Panama
Une jolie vannerie traditionnelle des Amérindiennes Wounaan et Embera

  Le rouge provient le plus souvent du rocou, «l'arbre à rouge à lèvres ».      
Depuis le milieu des années  80, quand les paniers ont commencé à être recherchés par les collectionneurs et le marché international de l'art, les Wounaan et les Embera sont devenus très créatifs dans leur utilisation des teintures naturelles. Ils continuent à faire de nouvelles expériences pour trouver de nouveaux tons, mélanges et substances colorantes.

Au Panama, la jeune fille Embera commence une vannerie traditionnelle
La jeune fille Embera commence une vannerie traditionnelle

  La tisseuse commence en nouant ensemble plusieurs lanières de nahuala.  Ensuite, elle tient le nœud de sa main gauche, elle se saisit d'un fil de chunga passé dans une aiguille et commence à coudre tout autour du faisceau, transformant ce dernier en rouleau qu'elle entoure progressivement autour du nœud central, formant ainsi un début de spirale, sur laquelle elle coud, passant le solide fil autour du rouleau, avant de transpercer le bord du nœud central.  Elle continue ainsi d'élargir la spirale, utilisant le fil de couture pour attacher et «emballer» de nouvelles longueurs de rouleau central, jusqu'à ce qu'elle ait confectionné une sorte de petit tapis circulaire ou ovale, qui sera le fond de son panier ou son plateau.

Dans une boutique spécialisée de Panama, de belles vanneries d'Amérindiennes Wounaan et Embera
Dans une boutique spécialisée de Panama, de belles vanneries Wounaan-Embera

  La tisseuse glisse les fils colorés de chunga entre les lanières de nahuala, de façon à ce que les différentes couleurs soient toujours disponibles pour coudre son motif. Chaque nouvelle couche du rouleau est cousue pratiquement en face de la couche précédente, avec un point non emboîté. Comme les coutures sont presque en face l'une de l'autre, elles forment des lignes continues sur la surface du panier. Plus le rouleau est petit et plus les coutures sont régulières, plus fin sera le résultat.

  Traditionnellement, les hösig di étaient soit blanc uni, soit décorés avec de très simples motifs géométriques. Parfois, on fait référence à ces motifs comme «motifs culturels». Beaucoup de ces formes géométriques ont été et sont toujours utilisées pour la peinture corporelle, et tout spécialement les tatouages du menton, peints avec la teinture noire-bleue du fruit de la jagua.

  D'autres motifs ont une origine entoptique, expérimentées en particulier lors des transes chamaniques, provoquées par l'usage de drogues rituelles, la privation de nourriture, l'isolement sensoriel ou les danses et rythmes répétitifs de tambours. On peut les comparer aux flashes en zigzag des migraines optiques actuelles. Beaucoup de ces motifs sont similaires à d'autres motifs amérindiens que l'on peut trouver du nord au sud des Amériques, et tout particulièrement dans la poterie précolombienne et dans les pictogrammes du sud-ouest des États-Unis.

  Un des motifs tissé seulement par les Wounaan est appelé quiceañero (enfant de 15 ans) et célèbre le quinzième anniversaire des filles, une date importante dans tous les pays d'Amérique Latine.

Jolie vannerie d'une tisseuse Wounaan au Panama
Jolie vannerie d'une tisseuse Wounaan

  Comme les Wounaan de Panama ont commencé à faire des paniers pour les collectionneurs et les touristes, ils y ont incorporé des représentations d'animaux, plantes, oiseaux, poissons, insectes qui leur sont familiers, créant des motifs zoomorphiques figuratifs, parfois appelé aussi «naturels». Lianes, arbres, fleurs, oiseaux caciques avec leur nid si spécial, toucans, perroquets, hoccos (faisan des buissons), poissons d'eau douce, écrevisses, crabes, scarabées, papillons, araignées, cafards, mille-pattes, chauve-souris, vaches, chiens, tortues, crocodiles, lapins, agoutis, jaguars et leurs empreintes... Tout cela fait partie de leur habitat dans la forêt tropicale humide et peut être trouvé sur leurs paniers. En Colombie, ils incluent également des scènes anthropomorphiques de la vie courante, souvent en relation avec le pressoir de canne à sucre. Ces scènes figuratives sont celles qui sont le plus propices à incorporer les couleurs modernes les plus brillantes.

Jeunes femmes Embera du Panama montrents leurs vanneries traditionnelles
Deux jeunes femmes Embera montrent leurs dernières réalisations

  Isolés le long des berges des fleuves et rivières du Darien, les Wounaan et Embera disposaient de peu d'atouts pour faire face au monde moderne. Depuis les années 1980, leur don traditionnel pour la vannerie leur a donné un accès au commerce et à l'économie monétaire. Leurs paniers hösig di  font partie des plus fines œuvres de vannerie au monde, et de nombreux collectionneurs les considèrent même comme les plus fins des paniers artisanaux contemporains.

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