Dimanche 16 mai. Journée portes fermées au Panama

Publié le par michel lecumberry

   Que se passe-t-il ? J'y comprends rien...Y’avait un’ ville. Et ya plus rien…

   Cette ambiance lendemain de fin du monde, façon chanson de Claude Nougaro, sortie d’un film de science-fiction, elle est là ! A peine éveillé, un peu dans le coaltar, tu sens que rien ne se passe au dehors. Ou plutôt si, que quelque chose d’anormal est survenu.

   Un dimanche sans musiques noctambules débordant encore au petit jour de leurs baffles gigantesques ? Angoissant silence. Ces hurlements de notes saturées, à peine assourdis par le soûlard qui ronfle vautré sur le haut parleur des basses, ne t’ont pas réveillé. Les coutumes se sont-elles perdues dans le noir?

   Le Cristo Negro de Portobelo n’a-t-il pu rééditer son miracle de 1821, la grande épidémie de choléra revenue en catimini durant la nuit prendre revanche ? Chape de plomb sur le village. Quarantaine !

   Et les meutes de chiens, hurlant au premier passant qui passe à l’heure des matines? Et la voisine qui n’a même pas une confidence à "chuchoter", style Heavy Metal, à sa copine qui les reçoit 5 sur 5, six maisons plus loin.

   Non, vraiment, tout est anormal en ce dimanche 16 mai. Tenter une sortie. Tous risques pris. Pas de masque à gaz 14/18 sorti d’un grenier illusoire, pas de Kalach ni de Nikoff barrant le treillis ouvert sur une poitrine rambosienne, le grand risque, quoi. Bon, quand même, des mocassins de sioux et une arme d’intimidation pour faire jaillir le petit oiseau en cas de besoin.

    La place de l’église est à un jet de pierre, je serai vite fixé. Un parvis, le dimanche, c’est symptomatique, en principe…

eglise    Le choc ! C’est sûr, la situation est grave. Peut-être même désespérée. L’église est close. Un autobus gît là, au milieu de la place déserte. Sans le noir nuage de gas-oil passé au contrôle technique par la porte bakchich, ses illuminations d’arbre de Noël éteintes en plein jour, et bien sûr sans ses stridences de freins en état de mort avancée. Pire, situation hitchcockienne, pas de musique en déferlantes dignes des quarantièmes rugissants ! L’angoisse au ventre, je bats en retraite par la rue déserte.

rue

   Suis-je encore dans un cauchemar nocturne ? Un repas du soir trop lourdement arrosé, un film d’horreur mal digéré peut-être? Non, les chiens m’accueillent comme si j’étais un miraculé rentrant au bercail. Là, retour au normal, les langues affectueuses ne trouvent pas de sang sur les mains. Je ne suis pas zombie rentrant de batailler ferme avec des ectoplasmes, alors. 

   Calmement faire le point, rester cartésien, oups ! Pardon, devenir cartésien deux minutes, bel effort diraient mes proches. Regarder au cul de la boite noire, oui oui, il y a une photo ! Je ne dors pas, ce n’est donc pas un cauchemar. Allez les neurones, un petit effort, ne ricanez pas mes proches, quand même… oui d'accord, c’est pas souvent…

   Mais oui, mais c’est bien sûr ! Dimanche 16 mai 2010 ! Jour de recensement au Panama. Les 3 millions et quelques de panaméens, que l’on va essayer de compter dans la montagne himalayenne de paperasses, ne doivent en aucun cas sortir de chez eux avant le passage des préposés. Kafka, reviens ! Constate que t’étais un gamin sans imagination!

   Au fil des heures de ce dimanche, pour une fois aux sonorités bucoliques, les habitants pourront sortir gambader en exhibant fièrement le passe obligatoire. Ma sortie matinale pouvait me coûter 100$ d’amende…

   pass

A 11 heures, ça y est ! La préposée, timide, un peu déroutée par le fait de trouver ses deux premiers "gringos" à recenser, un appel du cellulaire au chef en témoignera, termine son travail. Nous avons les "pass" et la porte de la maison arbore fièrement son "je suis recensée" rouge vif.

   Je peux sortir ! Mais, j’y pense, les bistrots sont fermés, alcool interdit. Je vous dis, un jour pas normal ! On reste à la maison, savourer un concerto pour violon de Mozart pour une fois non pollué par des basses de salsa rentrées par effraction. Et si après on se faisait une toile ? La vie (au Panama) est un long fleuve tranquille… surtout un "Día de censo"!

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