Café du Panama. A la découverte des meilleurs cafés du Monde. 7/ Hector Vargas, rencontre avec un artisan de talent

Publié le par Michel Lecumberry

  N’oublions pas que l’un des buts de ce voyage était de rencontrer des producteurs de cafés rares. Dans cette optique, la visite de la « Feria de les Flores y del Café de Boquete» avait été programmée pour cette demi-journée. Las, une petite visite de reconnaissance faite hier soir a permis de se rendre compte rapidement qu’il s’agirait d’une perte de temps. C’est en fait une exposition très "régionale" qui fête cette année son quarantième anniversaire. Certes de très beaux parterres de fleurs et de plantes, beaucoup de stands de divertissements, d’artisanat ou de débits de boissons ainsi qu’un beau podium pour animer de folles soirées mais seulement deux marques de café. Nous en évitons la dégustation, ce sont les deux plus vendus au Panama et ne peuvent être qualifiés de cafés d’exception…

art9-11-2Annulation immédiate de la visite de demain. Vite trouver un plan B. J’ai déjà écrit dans ce blog que le "Guide du Petit Futé du Panama" nous est de grande utilité lorsque Coco et moi cherchons, dans un coin visité pour la première fois, un resto ou un hébergement sympa. Et puis Nicolas Lhuillier n’a pas oublié de signaler les manifestations folkloriques intéressantes, les personnages à rencontrer et autres bons plans. J’ai gardé en mémoire que dans les pages "Les plantations de café" de Boquete, il évoque une petite exploitation artisanale, et surtout son patron, ingénieux et passionné personnage. Au téléphone, Hector Vargas semble ravi et même un peu excité de recevoir des visiteurs français, rendez-vous est pris, il viendra nous chercher sur la place centrale, demain matin huit heures.

art9-1Nous y voilà, rapides présentations et le jovial bonhomme nous invite à suivre son gros pick-up. Vingt minutes de belle balade sur une petite route de montagne agrémentée de magnifiques points de vue sur la vallée et sur les volcans environnants. A l’entrée d’un chemin forestier, nous changeons de monture et c’est à son bord que nous rejoignons la maison et ses annexes perdues au milieu des caféiers.
Tandis que le maître des lieux nous propose de visiter d’abord ses plantations, nous croisons un petit groupe de visiteurs étrangers qui se dirigent vers les ateliers. Hector est vraiment un passionné, il est intarissable. Très fier de son statut de seul petit exploitant artisan de la région, ayant toujours refusé de se faire absorber par les "gros", il ne cesse de lutter depuis des années. Son père, contremaître dans une exploitation réputée, lui a tout appris du métier, ce qui lui a permis d’acheter une petite propriété et de s’installer à son compte. Quand Paul Dequidt lui demande où il vend son café : -"Je n’ai jamais réussi à vendre mon café au Panama. Durant des années ce fût pour moi une malchance mais avec la ténacité elle s’est transformé en chance : tout mon café part maintenant à l’exportation. J’ai des clients en Australie, en Suède, aux Etats Unis, au Japon…"

art9-3art9-2Il est très fier de nous montrer et de vanter la qualité de son geisha qui pousse à l’ombre de grands orangers. Au détour d’une allée, nous allons découvrir un autre grand talent de notre hôte : son ingéniosité. Alors que dans les grandes exploitations que nous avons visité, à la tombée du jour ou en cas de pluie soudaine les ouvriers perdent beaucoup de temps à protéger les grains qui sèchent par des bâches, qu’il faut ensuite replier, Hector à imaginé une solution. Sous un abri qui reste à demeure, il a construit un système de longs tiroirs-gigognes où sont étalés les grains. En un tournemain ils sont exposés au soleil et tout aussi rapidement, comme on ferme les tiroirs d’une commode, ils sont mis à l’abri ! Nous ne sommes pas au bout de nos surprises…

art9-6art9-7Le temps de sentir l’arôme de ce café qui dore au soleil, toujours accompagnés par les explications et commentaires de ce grand passionné, Paul et Mania se dirigent maintenant vers les ateliers. L’étonnement et l’admiration explosent, Hector a construit lui-même l’intégralité de ses machines ! Et tout ça avec des pièces de récupération prélevées sur des carcasses de voitures, de tracteurs, de groupes électrogènes que sais-je encore… le tout mélangé, avec un certain génie, à des moteurs électriques, des roulements à billes et des tôles pliées pour en faire des machines performantes. Et deux ou trois de ces œuvres, signées de quelque grand nom de l'art cinétique, pourraient bien figurer en bonne place au MoMA*…

art9-9art9-5Laboratoire avec son mini-torréfacteur, trieuse, torréfacteur, empaqueteuse tout est construit "maison" et alimenté quand c’est possible par des panneaux solaires… L’ingénieux artisan va jusqu’à imprimer lui-même en lettres d’or ses paquets de café d’un beau bleu Royal, avec le châssis de sérigraphie qu’il s’est bricolé.

art9-4La saveur des arabicas dégustés en fin de visite sera la preuve que tout ça, de la plantation à l’atelier, fonctionne à merveille. Impressions confirmées par un tableau où sont affichées les distinctions remportées ces dernières années par son café dans des concours internationaux dont un en France ! Des bases d’une collaboration future sont évoquées, le courant semble passer entre Paul Dequidt et Hector, notre pays pourrait bien devenir une conquête territoriale de plus pour ce petit David qui, depuis des années, fait la nique aux gros Goliaths qui l’entourent.

art9-8S’il est vrai que la qualité d’un voyage se mesure à l’aune de celle des rencontres qu’il veut bien nous offrir, souvent de façon imprévue, Hector Vargas restera pour moi LA belle rencontre de Boquete. 

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*- MoMA : le Museum of Modern Art, musée d'art moderne et contemporain situé dans le quartier de Midtown Manhattan dans la ville de New York, aux États-Unis.

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