La Grenouille Dorée, bijou vivant du Panama, sauvée in-extremis

Publié le par Michel Lecumberry

   La Rana Dorada (Atelopus zeteki) est un des trésors de la faune du Panama et fait partie des symboles du pays. Déjà, avant l’arrivée des colons espagnols, les indigènes la vénéraient, pensant que lorsqu’elle mourait elle se transformait en or sous terre. Ces légendes et croyances populaires ont laissé des traces, encore de nos jours beaucoup pensent qu’elle porte chance. Des images d'elle figurent régulièrement sur les billets de loterie nationale et l’on dit que celui qui a vu au moins une fois le petit bijou vivant sera chanceux toute sa vie. Ce côté symbolique s’est renforcé récemment depuis que le Parlement a approuvé une loi qui stipule que le 14 août sera désormais le "Día de la Rana Dorada" (Jour de la Grenouille Dorée) au Panama.

La grenouille dorée dans le laboratoire du Smithionan Tropical Research Institute du parc zoologique "El Nispero" de Valle de Anton au Panama
La grenouille dorée dans son milieu naturel reconstitué en vivarium à El Valle de Anton

   Un décret datant de 1966 a établi une liste des 22 batraciens endémiques du pays et l’a intégrée dans la catégorie des espèces à protéger, interdisant notamment la chasse et la capture. Malgré cette "protection"*1 la population de Rana Dorada*2 n’a cessé de diminuer sur la zone de son habitat, non seulement à cause des prélèvements pour la revente aux collectionneurs mais également suite à des pollutions diverses. La population de cette espèce a fini par voir son territoire se limiter aux cours d’eau de la forêt humide des environs de El Valle de Antón.

La grenouille dorée dans le laboratoire du Smithionan Tropical Research Institute du parc zoologique "El Nispero" de Valle de Anton au Panama
La grenouille dorée dans son grand vivarium du zoo de El Valle de Antin

 Si cette très jolie petite grenouille porte chance, elle le fait avec une telle générosité qu’il ne lui en reste plus du tout en magasin pour son usage personnel. Il y a cinq ans, un champignon aquatique a envahi les ruisseaux de l’ouest du Panama*3, provoquant entre autre l’extinction de cette espèce. L’origine de l’invasion de ce champignon (batrachochytrium dendrobatidis) a été découverte sur un batracien d’Afrique du Sud. Mais rien n’explique pour le moment son arrivée dans la région frontalière du Costa Rica et du Panama. Il fallait vraiment une grosse malchance pour que la colonie de petites dorées qui vivait bien cachée dans la caldeira de El Valle de Antón soit attaquée par ce champignon meurtrier qui vient recouvrir la peau des batraciens*4. Depuis 2008, les scientifiques considèrent que l’espèce Atelopus zeteki est à déclarer comme disparue de son milieu naturel, sur tout son territoire.

La grenouille dorée dans le laboratoire du Smithionan Tropical Research Institute du parc zoologique "El Nispero" de Valle de Anton au Panama
Une grenouille dorée dans son grand vivariul du parc zoologique "El Nispero" de Valle de Anton

  Heureusement, devant l’inquiétante et subite baisse de la population des grenouilles dorées des ruisseaux de El Valle, des scientifiques ont eu la bonne idée de prélever à temps quelques mâles et femelles et de les envoyer dans des laboratoires de zoos aux Etats Unis. Il s’agissait de voir si elles pouvaient se reproduire en captivité. Les essais furent concluants, dans un premier temps le zoo de Maryland (Baltimore) fût chargé de l’élevage, puis le Zoo National de Washington et celui de Detroit. Devant le succès de la démarche, le Smithionan Tropical Research Institute a implanté dans l’enceinte du parc zoologique "El Nispero" de Valle de Anton un laboratoire pour la conservation des batraciens exposés à cette maladie. Accolé à ce centre de recherche et d’élevage, un bel espace pour visiteurs présente dans des vivariums, reproduisant leurs biotopes naturels, diverses espèces de batraciens en voie de disparition. Au centre du local en forme de grotte circulaire, un grand vivarium est réservé à la vedette régionale, la Rana Dorada*5.

La grenouille dorée dans le laboratoire du Smithionan Tropical Research Institute du parc zoologique "El Nispero" de Valle de Anton au Panama
Une autre grenouille dorée dans le vivarium du parc zoologique de Valle de Anton

   L’espèce est maintenant sauvegardée en captivité, mais pourra-t-elle un jour retrouver son biotope naturel ? L’élimination du champignon concerné est relativement aisée en laboratoire (il résiste peu à la chaleur) mais pour le moment les scientifiques n’ont pas trouvé la solution applicable dans la nature. Si vous passez dans les environs, n’hésitez pas à venir faire votre plein de chance, faites donc une petite visite au centre du Smithsonian dans le parc zoologique El Nispero de Valle de Anton. Sortant de là, dirigez-vous vers le marché artisanal où vous pourrez choisir un petit, ou plus grand, souvenir de la Rana Dorada, les modèles en tous genres ne manquent pas.

La grenouille dorée dans le laboratoire du Smithionan Tropical Research Institute du parc zoologique "El Nispero" de Valle de Anton au Panama
Grenouilles dorées au Marché Artisanal de El Valle de Anton

 

Notes:
*1- Il est intéressant de préciser que l’amende pour le contrevenant, fixée par ce décret encore en vigueur, est de cinq dollars…
*2- Ces petites grenouilles (adulte, le mâle mesure de 3,5 à 4 cm pour un poids de 3 à 5 grammes, la femelle mesure de 4,5 à 5,5 cm pour un poids de 4 à 7 grammes) peuvent être entièrement  jaune doré ou présenter des tâches noires. Elles communiquent entre elles par un langage corporel, faisant des signes reconnaissables avec les pattes, comme des sémaphores, en direction de l’ennemi ou du partenaire possible pour la reproduction. Elles se nourrissent essentiellement de petits insectes et mollusques.
*3- Le champignon a été détecté pour la première fois à El Copé en octobre 2004 mais les scientifiques datent son arrivée sur la région frontalière Costa-Rica/ Panama en 1993. En quatre mois, dans la zone de El Copé, 57 des 70 espèces de grenouilles (dont la Dorada), crapauds et salamandres ont été exterminées.
*4- Le nom scientifique de la maladie provoquée par ce champignon se nomme chitridomicosis. Il s'agit d'un champignon cutané appelé "chytride" qui empêche l'échange de gaz à travers la peau perméable des amphibiens, finissant par les asphyxier.
*5- C'est ici que j'ai pu faire les photos reprises dans cet article.

 

 

Publié dans Nature

Commenter cet article