Histoire du Panama – Portobelo, attaques des corsaires et pirates (1)

Publié le par Michel Lecumberry

  Si Portobelo profitait de cette période calme de près de soixante dix ans*1, il n’en allait pas de même pour les navires espagnols, surtout après 1620, date de la reprise de la guerre avec la Hollande, laquelle envoie un grand nombre de flottes vers les Caraïbes.

  En 1628, le corsaire hollandais Piet Hein capture au large de Cuba les galions qui s’en retournent vers Séville transportant un véritable trésor: le produit d’une année d’exploitation des Indes dont cent tonnes d’argent et soixante dix kilos d’or.

  En dehors des flottes annuelles, tout le commerce espagnol disparaît alors des mers, laissant la place aux contrebandiers hollandais. Profitant de cette opportunité les Français et les Anglais s’établissent sur les îles au vent (les futures Antilles). Les boucaniers*2 ont leur repère sur l’île de Tortuga, les pirates pullulent et les Anglais qui ont enlevé la Jamaïque aux Espagnols les laissent s’y réfugier.

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  Portobelo est en droit de s’inquiéter.

  Dès 1626, l’ingénieur Cristobal de Roda avait recommandé la construction d’une troisième défense près de la ville, mais la décision de construire le fort de San Gerónimo*3 tarde jusque vers 1660.

  Une flotte pirate commandée par Edward Mansfield et Henry Morgan s’est emparée de l’île Santa Catalina (aujourd’hui “Providencia”). Sa proximité de l’isthme incite Don Juan Peréz de Guzmán, le Gouverneur de Panamá,  à envoyer une expédition pour la reconquérir. Les prisonniers seront ramenés à Portobelo pour travailler au chantier du Fort de San Gerónimo.

  Le célèbre pirate Henry Morgan, trois ans après la perte de Santa Catalina, prévoit d’attaquer Portobelo qu’il estime être “la plus forte place du Roi d’Espagne après La Havana et Cartagena”.

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   Morgan quitte la Jamaïque en 1668 avec neuf navires et quatre cent soixante dix hommes en direction de Portobelo. Son système est basé sur la surprise des attaques et sur le dévouement des hommes, les butins sont partagés à égalité par tous les participants aux expéditions, seule exception: ses compagnons lui allouent cinq parts en signe de reconnaissance.

  La flotte arrive et se cache en baie de Naos (Colón actuel). Le 20 juillet, vingt trois canots pouvant naviguer à rame ou à voile, accompagnés d’un seul bateau s’approchent hors la vue des forts de Portobelo et se positionnent en baie de Buenaventura*4.

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  A sept heures du soir, ils accostent. Quatre cents hommes, de nuit, passent la colline à pied et neutralisent la sentinelle qui veille non loin du fort de Santiago de la Gloria. Mais un coup de feu est tiré qui met la ville en alerte. Morgan après une offre de reddition refusée monte à l’assaut, le fort est rapidement pris. Il pensait y trouver deux cents soldats, en fait il en trouve quatre vingt, la moitié tués et les autres blessés.

  Pendant ce temps, les habitants cachent les biens précieux, certains ont fuit vers le Camino Real*5, les autres seront fait prisonniers et conduits dans l’église.

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  Morgan attaque le fort de San Gerónimo*6, propose ici aussi une reddition en échange de la vie sauve, la garnison refuse et se défend. Toute la journée la bataille traîne en longueur. Impatient, Morgan fait rassembler les nonnes, les moines et les vieux habitants pris en otage pour les obliger à placer les échelles contre les murs d’enceinte du fort, beaucoup de ces innocents seront tués. Les soldats investissent le fort, le Gouverneur malgré les supplications de sa femme et de sa fille refuse de rendre les armes, il est exécuté. Le corsaire anglais Morgan sera désormais considéré par les Espagnols comme un pirate.

  Durant la nuit la bande se restaure et se repose, au petit jour, douze canots sur lesquels ont pris place deux cents hommes traversent la baie pour attaquer le fort de San Felipe. En moins d’une heure le fort surnommé “Todo Fierro”*7 se rend. Le drapeau anglais est hissé en guise de signal, le navire amiral, trois frégates et huit bateaux rentrent alors pour mouiller devant Portobelo.

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  Le pillage, le saccage et les tortures pour retrouver les cachettes vont durer deux semaines, tandis que Morgan fait parvenir à Bracamonte, Gouverneur de Panamá, une demande de rançon de 350 000 pesos. Celui-ci refuse de “traiter avec un bandit”, mais les soldats qu’il envoie pour libérer Portobelo sont mis en déroute sur le Camino Real. La population de Panamá finit par réunir 100 000 pesos. Bien que déçu, Morgan accepte car le temps presse, des hommes meurent chaque jour atteints de maladies tropicales. Il lève l’ancre en promettant de revenir faire “payer” Bracamonte.

  Il reviendra deux ans plus tard avec quatre cents hommes et après avoir attaqué le fort San Lorenzo sur le Chagres*6, s’empare de la capitale, l’incendie et répète en pire le scénario de Portobelo avant de reprendre la mer.

 

à suivre

 

Notes :

*1- retour sur l’article consacré aux Foires de Portobelo

*2- Boucaniers (vient de boucan: façon de fumer viande et poisson pratiquée par les colons français de la côte nord d’Hispañola) avec les flibustiers ils pratiquent le piratage et sont basés sur l’île de La Tortuga

*3- voir article

*4- cette petite baie se trouve juste à l’ouest de celle de Portobelo. Les pirates remonteront à pied une petite rivière qui s’y jette avant de passer la colline en un lieu appelé "La Trinchera" 

*5- voir article

*6- à l’époque ce fort se réduisait à ce qui est devenu par la suite la batterie haute du fort visible actuellement.

*7- Le surnom de ce fort venait de son aspect “indestructible”. En effet il fut très difficile aux hommes de Vernon de le détruire. Lorsque les Nord Américains arrivent en 1904 pour construire le Canal, ils trouvent ces ruines et apprécient la solidité de la roche utilisée. Pour l’utiliser dans la construction en béton des écluses, ils installent une concasseuse et avant de creuser une carrière dans la colline, passent les pierres du fort à la moulinette, seules celles qui avaient roulé jusqu’à la mer sont visibles aujourd’hui.

 

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M
Votre site est vraiment très bien fait et surtout très bien documenté et très bien raconté. Bravo.
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S
Bonjour, <br /> merci d’apprécier les articles de ce blog, cela fait toujours plaisir de lire de tels commentaires et c’est encourageant… Bien cordialement. Michel