Corpus Christi 2012 à la Villa de los Santos (Panama) - La búsqueda del torito (A la recherche du torito)

Publié le par Michel Lecumberry

  Au sortir de la belle maison ancienne en voie de restauration qui nous a servi de gîte, la place centrale est encore lovée dans sa nocturne couverture cotonneuse. A peine si, de ci de là, quelques loupiotes piquètent de leurs tremblotants halos la nuit finissante. Vision de mauvais augure, les yeux de néons des "fondas"*1 restent désespérément clos. Nul parfum de café ne s’en échappe. Le petit noir du matin ne viendra pas de sitôt remettre de l’ordre dans nos neurones déglingués par un sommeil trop souvent molesté. C’est le ventre vide que nous devrons aller affronter le mythique encorné.

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  Le cache-cache est commencé. Dans quel recoin du village est-il entrain de pousser sa corne ? Le "Parque", la place centrale qui jouxte l’église, et les rues qui s’en échappent en étoile semblent encore désertes. Pas tout à fait, à l’un des angles de ce carré qui se remplira tout à l’heure comme métro parisien aux heures de pointe, de valeureux lève-tôt sont déjà à l’ouvrage. Interrompant aimablement l’élaboration de leur éphémère oratoire ces braves gens nous indiquent une vague direction, peut-être que le fauve cornu renâcle-t-il par là-bas…

  Direction une autre place, inconnue de nous. Hormis les cadavres de canettes de bière tapissant la rue fatiguée des trop nombreux piétinements qui ont rythmé sa longue nuit, personne ne semble vouloir nous accompagner dans notre quête. Au détour d’un croisement, du bruit d’humains. Un Niagara de musique se déverse d’une "cantina"*2, charriant quelques semi-noyés que seules de vagues vapeurs d’alcool maintiennent à flot. Inutile de leur demander conseil, perdus qu’ils sont dans leur ivresse chaloupée.

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  Nous arrivons sur la dite place. Nimbée de pénombre, trône ici une espèce de Victoire de Samothrace ailes repliées, un visage retrouvé gueulant vers le ciel. La belle éclaire vaguement de sa blancheur immaculée les bancs alentour. De petits bouts de famille les occupent, pressentant la marée humaine qui va bientôt déferler. Vous pouvez rester là, nous dit-on, il arrive ! Confirmant bien vite la promesse autochtone, un brouhaha ponctué de pétards déchirant la nuit enfle par l’ouest.

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  La vague arrive, rapide, écumante de flonflons sur lesquels, glissant de droite et de gauche, surfe le retrouvé "torito". Parfois entouré des membres de sa "Danza"*3, il semble amadoué. La ficelle semble trop grosse, chacun sait bien que c’est un leurre. Brusquement le fauve meuglant charge les jeunes venus le défier. La course zigzague, la foule joyeuse qui fait maintenant escorte au groupe s’écarte vivement en joyeux éparpillages. Souvent, feignant quelque douloureux encornage, on reste au sol roulé en boule. Réminiscences ataviques d’aficionados des arènes ibériques ? Mais ici le sang ne coule pas, laissant cela aux rasades d’alcool ratant leurs cibles goulues dans l’agitation ambiante.

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  Ne pas se laisser distraire, faire quelques photos. Comptant sur la fierté de l’encorné, tiens, il vient juste d’en perdre une au combat, fierté qui génère parfois le petit côté "m’as-tu-vu" des grands fauves, on ose s’approcher. Mais l’humain planqué sous la carapace de tissu n’a pas toujours son champ visuel global, suite à une charge imprévue un pare-soleil roule au sol. Je le retrouve par miracle. Intact, le noir cylindre de métal japonais siège, un tantinet snob, au milieu des vulgaires canettes cabossées sus-évoquées.

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  Le cortège endiablé poursuit son chemin erratique et finit par déboucher bruyamment sur le "Parque". Une pyrotechnie désordonnée l’accueille, fusées pétaradantes et feux de Bengale enfument la place. A cinq heures, le "torito", les membres de sa "Danza" et la petite foule des participants à cette "Búsqueda" doivent abandonner les rues qui cernent la place. Le jour roupille encore mais les groupes qui vont confectionner leurs magnifiques tapis de fleurs sont déjà dans les starting-blocks. L’intermède est bienvenu, qui va permettre à la joyeuse bande, un peu exténuée quand même, de se reposer et de se restaurer. Deux ou trois "fondas" coopèrent, les portes s’ouvrent. L’odeur du café et des grillades rejoint les effluves finissants de la nuit. La fête va pouvoir continuer !

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Notes :

*1- petits restaurants populaires

*2- débit d’alcool

*3- voir article

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